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Allergie à l’alternaria et aux spores de moisissures

publié le 04/08/2010 | par arcaa

Ce type de dialogue a été fréquent à l’automne dernier. On attendait une épidémie de grippe H1N1, mais dans cette petite ville du sud de la France qui a subi des inondations, c’est une petite « épidémie » d’allergie à l’alternaria, parfois isolée, parfois couplée à l’allergie aux acariens et à d’autres spores de moisissures qui s’est déclarée.

A quoi correspondent ces spores ? Pourquoi provoquent-elles des allergies ? Sont-elles présentent dans les maisons ou à l’extérieur ? Sont-elles sensibles aux facteurs de l’environnement et au climat. Comment s’en protéger et comment les traiter ?

Un allergène qui surprend les patients. « Madame, vous avez une réaction très positive à l’alternaria ». Nous sommes en septembre, et lors de la pratique de tests cutanés faits pour un bilan allergologique d’asthme et de rhinite, une réaction nette est apparue pour cet allergène. Le regard de la jeune femme devient interrogatif. « La réaction que vous observez sur votre bras est provoquée par les spores d’une moisissure, l’alternaria ; les signes que vous présentez et les périodes auxquelles ils surviennent font penser que c’est très probablement cet allergène qui est responsable de vos rhinites et sinusites, ainsi que de votre récente crise d’asthme. »

« Mais chez moi, c’est propre, il n’y a pas de moisissures », dit gentiment la femme un peu perplexe. Elle s’arrête et ajoute : « L’hiver dernier, nos murs ont été infiltrés lors des inondations ; mon mari n’a pas eu le temps de refaire les peintures dans la pièce atteinte, et il y a eu cet été une odeur désagréable. Quand je vais dans cette pièce, j’éternue et je n’y reste pas car j’ai du mal à respirer »

« Vous voyez, on est peut-être sur la bonne piste, et ce n’est pas votre chien qui est responsable. Nous allons le confirmer par un examen biologique, et faire un examen des bronches ».

Ce type de dialogue a été fréquent à l’automne dernier. On attendait une épidémie de grippe H1N1, mais dans cette petite ville du sud de la France qui a subi des inondations, c’est une petite « épidémie » d’allergie à l’alternaria, parfois isolée, parfois couplée à l’allergie aux acariens et à d’autres spores de moisissures qui s’est déclarée.

A quoi correspondent ces spores ? Pourquoi provoquent-elles des allergies ? Sont-elles présentent dans les maisons ou à l’extérieur ? Sont-elles sensibles aux facteurs de l’environnement et au climat. Comment s’en protéger et comment les traiter ?

Les spores de moisissures

Les moisissures sont des champignons microscopiques, invisibles à l’œil nu et dont le développement se fait préférentiellement dans les endroits chauds et humides. Les champignons supérieurs, moisissures et levures, sont des végétaux qui ne possèdent pas de chlorophylle. Ils vivent aux dépens de substances organiques mortes ou vivantes et se reproduisent en libérant dans l’atmosphère de grandes quantités de spores. Inhalées, ces spores sont responsables d’allergies respiratoires chez les personnes sensibilisées.

Les premiers champignons étaient aquatiques et avaient des spores nageuses conservées par les premiers champignons terrestres ; ils étaient non allergisants contrairement aux espèces adaptées à la vie aérienne dont les spores disséminées par le vent (anémophiles) constituent une source importante d’allergènes atmosphériques. Leur développement est accru par temps humide et chaud. Ces spores dont la vitesse de croissance est très rapide sont très résistantes à la chaleur, aux enzymes. Ils sont de petite taille (3-10u) et peuvent pénétrer profondément dans l’appareil respiratoire.

Ou se trouvent-elles ?

Les moisissures peuvent être présentes partout, que ce soit dans la maison ou à l’extérieur de la maison. La chaleur et l’humidité favorisent leur prolifération, tout comme pour les acariens. En ce qui concerne les régions, les côtes atlantiques, au climat humide, sont particulièrement propices au développement de certaines moisissures, mais les bords de méditerranée avec la chaleur humide omniprésente depuis quelques années, et les bords des fleuves, rivières et lacs ne sont pas épargnés. A l’extérieur, elles sont présentes sur les végétaux, les foins. A l’intérieur, les moisissures domestiques se développent dans la salle de bains, la cuisine, la cave, sur les plantes ; elles sont présentes dans les conduites d’aération et de climatisation, mais aussi sur les déchets végétaux, peinture et teintures murales. Les vieilles maisons humides sont propices à leur développement. On ne les voit que lorsqu’elles sont nombreuses. Dans ce cas, elles se trouvent aussi bien sur les joints sanitaires de la salle de bain que sur les aliments (« moisi » de la confiture). Certaines de ces moisissures sont potentiellement allergisantes.

Les spores de moisissures se trouvent toute l’année dans l’atmosphère, à des taux variables, en fonction de leur cycle biologique propre. C’est pendant la période de sporulation, qui correspond à la période de pollinisation pour les fleurs, que les spores sont larguées en plus grand nombre, ceci à certaines saisons le plus souvent l’été, la chaleur et l’humidité étant propice à leur développement.

Quelles sont les principales moisissures concernées ?

La plus fréquente est l’alternaria, moisissure cosmopolite qui se développe dans la nature principalement sur les végétaux en décomposition, sur les foins, mais aussi à l’intérieur sur les produits alimentaires, les textiles, le sol ou les papiers peints. On la trouve principalement en été car elle est très résistante à la chaleur. Ses spores sont caractéristiques et se reconnaissent facilement sur des lames, ce qui permet d’évaluer leur concentration dans l’air. Celle-ci apparaît sur le site du réseau national de surveillance aérobiologique accessible sur internet (www.pollens.fr). Si les plus fortes concentrations en spores sont estivales, elles dépendent des conditions d’environnement et sont variables. Le seuil pathogène qui peut provoquer des réactions cliniques chez les patients sensibilisés est de 100 spores par mm3. Au-delà de 500 spores par mm3, des crises d’asthme peuvent survenir, ce qui se produit dans des atmosphères très humides, ou en été après des orages. Par contre, la concentration en spores est plus faible en altitude, et par exemple à Briançon, les allergiques à l’alternaria vont mieux tout comme les allergiques aux acariens.

D’autres moisissures de l’environnement peuvent être responsables d’allergies, telles :

  • le cladosporium: présent sur les végétaux, plantes, fruits, se développant toute l’année, surtout l’été.
  • l’aspergillus : présents dans les végétaux en décomposition, la paille, les céréales de stockage. Il peut donner une maladie complexe, l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique. De recrudescence automnale et hivernale, il est aussi présent dans les aliments.
  • le stemphylium : champignon cosmopolite présent sur les végétaux, la cellulose, le papier,
  • le penicillinum : moisissure des habitations à recrudescence automno-hivernale
  • le botrytis, surnommé « pourriture noble » dans la culture viticole. Comme le penicillinium , il peut être responsable d’allergies professionnelles chez les viticulteurs.

Le diagnostic de l’allergie aux moisissures peut être difficile

ll n’est pas toujours facile de penser à une allergie aux moisissures. Celle-ci sera évoquée devant des symptômes respiratoires pulmonaires ou ORL à type d’asthme, de rhino-conjonctivite, de sinusites. Le tableau est parfois complexe car les moisissures émettent aussi des toxines et des substances irritantes. Celles-ci peuvent provoquer des phénomènes irritatifs inflammatoires ou infectieux qui différent de l’allergie. En pratique, une allergie respiratoire, rhinite avec écoulement clair ou asthme, qui récidive à différentes périodes de l’année et résiste aux traitements doit évoquer la possibilité d’une allergie aux moisissures, chez l’enfant mais aussi chez l’adulte. L’allergie aux moisissures sera également évoquée en fonction de l’habitat (les moisissures intérieures durent toute l’année), du milieu de travail, du climat et des saisons pour les moisissures extérieures.

Un traitement de longue durée et une prévention attentive sont nécessaires

Le médecin allergologue pratiquera alors des tests cutanés en lecture immédiate, qui donneront une réponse rapide. Une confirmation pourra être fournie par des tests biologiques, souvent nécessaires.

Le traitement sera adapté aux symptômes. Si la sensibilisation est forte, si le patient est gêné souvent, avec un traitement insuffisamment efficace, une désensibilisation à l’alternaria pourra lui-être proposée lorsque le médecin allergologue aura démontré que l’alternaria est le principal ou le seul allergène incriminé. Ceci est possible grâce aux laboratoires qui mettent à la disposition des patients et des médecins des allergènes de mieux en mieux isolés et définis. La désensibilisation, qui utilise actuellement le plus souvent la voie perlinguale, a pour but de rétablir, au moins partiellement, la tolérance naturelle à ces spores de moisissures. Le patient sera moins sensible aux concentrations élevées de spores et les symptômes respiratoires ainsi que la fatigue qui accompagne cet état s’amélioreront. Ce traitement généralement très bien toléré durera 3 ans et pourra s’accompagner de la prise des médicaments symptomatiques habituels, médicaments que le patient pourra diminuer progressivement au fur et à mesure de l’amélioration. Ce traitement est pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles.

Dans tous les cas, il faudra suivre des mesures de prévention destinées à diminuer l’exposition.

PRÉVENTION DE L’ALLERGIE AUX MOISISSURESDe nombreuses recommandations pouvant être faites, nous ne donnerons ici que les plus importantes.A l’extérieur, il est recommandé d’éviter :

– le ramassage des feuilles mortes, la manipulation du compost ou du fumier

– les promenades dans les endroits humides et en forêt, principalement en fin d‘été et en automne

– le stockage du bois coupé à brûler dans la maison doit être proscrit

– les arrosages excessifs l’été dans les climats ou la végétation est au repos (climat méditerranéen)

A l’intérieur, il est recommandé de :

– Garder un taux d’humidité voisin de 40%, au moins inférieur à 55%.

– Aérer les maisons habitées irrégulièrement.

– Utiliser un déshumidificateur (régulièrement nettoyé) dans des pièces très humides

– Aérer et ventiler les pièces. Ne pas laisser l’eau stagner dans un récipient et nettoyer souvent les saturateurs d’eau pour radiateurs

– Eviter les plantes dans la maison en particulier dans la chambre. Ne pas utiliser de bac à réserve d’eau (aquarium).

– Vérifier régulièrement et nettoyer les dispositifs de ventilation mécanique contrôlée (VMC) des habitations. Un entretien complet doit être réalisé par un spécialiste tous les 3 ans.

– S’il y a une climatisation, nettoyer et désinfecter le système régulièrement. Les filtres doivent être également nettoyés dans les voitures.

– Dans les salles de bain et toilettes, s’assurer que l’excès d’humidité est éliminé par une ventilation fonctionnelle ; essuyer les surfaces humides avec une substance fongicide.

– Dans la cuisine, utiliser une hotte aspirante au-dessus de la cuisinière pour évacuer l’humidité issue de la cuisson des aliments. Vider et nettoyer les poubelles très régulièrement. Vérifier le contenu du réfrigérateur, et le nettoyer fréquemment

– Le séjour dans des caves humides, dans les sous sols doivent être brefs

Mais dans certains cas, c’est l’habitation qui est globalement concernée, en particulier après des intempéries ou des « dégâts des eaux ». Il faudra dans ce cas supprimer les sources d’humidité, mettre quand c’est possible le sujet allergique dans une chambre claire et ensoleillée, surtout s’il s’agit d’une enfant, et examiner avec attention toutes les caractéristiques de l’habitation favorisant l’humidité en améliorant ce qui peut l’être, par exemple à l’aide de peintures fongicides. L’échange avec le médecin allergologue permettra de mieux identifier les facteurs de risque et de mieux les contrôler.

En conclusion

Si les moisissures font partie de notre environnement normal, elles peuvent être responsables de symptômes allergiques respiratoires chez un patient qui a été sensibilisé, souvent par une exposition prolongée dans un milieu humide. Ce sont les spores, particules microscopiques, qui sont inhalées et provoquent les symptômes. Ces spores sont très nombreuses à l’extérieur durant les périodes humides et chaudes. Dans les maisons, elles se développent dans une atmosphère sombre, chaude et humide. Chez les personnes allergiques aux moisissures, la prévention, le traitement et dans certains cas la désensibilisation contribueront à l’amélioration voire à la guérison de pathologies qui ont tendance à devenir chroniques et à s’aggraver.

Bernard POITEVIN – Allergologue – Membre du comité de rédaction de l’ARCAA – Association de Recherche Clinique en Allergologie et en Asthmologie.

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