Hugo, 31 ans, allergique aux acariens en cours de désensibilisation et devenu asymptomatique depuis plusieurs mois s’inquiète :
Je le recadre sur l’éviction.
Affirmatif, affirmatif et encore affirmatif.
Petit quiz aux lecteurs :
Quoi d’autre peut-il générer les signes d’Hugo en cette période ?
Les poils d’animaux ? Il n’a pas de compagnons à poils à son domicile. Il n’était sensibilisé ni aux phanères de chien, ni aux phanères de chats lors des tests réalisés début 2023.
Les pollens ? Non. Dans la région, la végétation ne pollinise pas encore. En plus, l’hiver vient juste de commencer. Nous serions nous dit avant.
Tout de même, aux tests cutanés, on notait chez Hugo une nette sensibilisation pour le pollen de bouleau, même si nous ne suspections aucun signe de pollinose. Quoique… Peut-être certains des signes attribués aux acariens uniquement étaient-ils causés également pas la pollinisation. Et puis l’an dernier début janvier nous avions eu la surprise de voir déjà la pollinisation du noisetier commencée.
Donc nous allons, avec le patient, à tout hasard, consulter le site du Réseau de Surveillance Aérobiologique (RNSA).
Pour les lecteurs non avertis, j’en profite pour faire un aparté de vocabulaire tant ont l’importance en médecine les mots des maux.
La réaction allergique de type I, celles dont nous traitons principalement, met en cause la fabrication inappropriée d’anticorps de type immunoglobulines E, anticorps qui ne devraient être produits, dans un organisme sain, que pour la défense vis-à-vis de certains agents infectieux.
On parle de sensibilisation lorsqu’on trouve une positivité pour un allergène, en test cutané ou grâce au bilan biologique (avec le présence d’IgE spécifiques)
On parle d’allergie quand cliniquement cette sensibilisation débouche, au contact de l’allergène sur des signes cliniques.
Ceci que nous soyons face à un aéroallergène ou à un allergène alimentaire.
Pour les pneumallergènes, devant des signes évocateurs d’allergie (principalement conjonctivite, rhinite et asthme) nous pratiquons les tests cutanés à un panel d’allergènes que nous nommons « pneumallergènes standards » : les 2 espèces d’acariens de la poussière de maison, parfois des espèces moins répandues telles que les acariens de stockage ou bien les acariens tropicaux, les phanères de chats et de chien, les moisissures, et plusieurs pollens d’arbres, de graminées et d’herbacées. On peut aussi s’aider de la biologie, en particulier pour les allergènes dont nous ne disposons pas ou plus aux tests cutanés. L’étape suivante du diagnostic consiste à mettre en parallèle las signes cliniques et leur circonstance de survenue avec la sensibilisation à tel ou tel allergène : nous recherchons alors la pertinence clinique.
Pour les aliments, la démarche de l’allergologue est différente. Elle consiste à ne réaliser de tests que lorsque nous suspectons sur une clinique ad hoc une réaction allergique de type I. Ceci afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’allergie IgE dépendante c’est-à-dire le mécanisme allergique de la réaction l à des aliments ou familles d’aliments. L’allergie voit malheureusement son incidence augmenter.
Deux autres notions à connaître des lecteurs sont celles d’allergie croisée et de sensibilisation croisée.
Ainsi une protéine allergisante peut-elle être présente, à l’identique ou quasiment, dans plusieurs allergènes. On parlera d’allergie croisée. C’est la cas de la PR10, principale protéine allergisante du pollen de bouleau (appelée aussi allergène majeur). Raison pour laquelle, chez Hugo, si certes, il n’y a pas de pollens de bouleaux dans l’air pour le moment, on peut suspecter une réactivité aux pollens de noisetier.
De même cette PR10 est présente dans de nombreux végétaux comestibles. Elle pourra être cause d’allergie (nous posons la question aux patients d’une réactivité aux fruits. Ou cause de sensibilisation : nous recevons trop fréquemment en consultation des patients qui se sont vus poser un diagnostic inapproprié d’allergie alimentaire sur la base de tests systématiques prescrits en dehors de toute réactivité cliniques et donc – faut-il le dire ? – de manière inappropriée.
Et là, stupeur et désolation : Nous sommes seulement en décembre et déjà nous ne sommes plus hors saison pollinique.
Sur une grosse moitié nord avec l’arrivée du noisetier , avec une pollinisation déjà importante dans le Bassin Parisien.
Et sur le pourtour méditerranéen, le cyprès
Vous avez donc compris : l’allergie de saison, en ce début d’hiver : ce sont bien sur encore les acariens mais aussi, déjà encore, les pollens. Pollens qui ne n’avaient laissé en paix nos patients que 2 mois tout au plus, entre la fin de la saison 2023 et le début de la saison 2024.