L’incendie qui a détruit la charpente de la cathédrale Notre Dame de Paris a vaporisé une partie des 450 tonnes de plomb présent dans le toit. Les fumées ont pollué l’air et déposé quantités de poussières contaminées sur les sols et surfaces des lieux ouverts environnants, (voirie, entrées d’immeubles, cours d’école ou de crèches, jardins, squares, aires extérieures de jeux…), mais sur un périmètre non déterminé.
Durant l’incendie, les personnes exposées directement aux fumées ont pu être contaminées par voie respiratoire, mais il est difficile d’estimer les quantités d’exposition au plomb.
Les prélèvements de poussières sur les sols extérieurs ont montré des niveaux de plomb jamais rencontrés à Paris et en France métropolitaine. Sur le parvis, les poussières collectées révélaient des concentrations qui allaient de la centaine de milliers au million de µg/m2, tandis qu’aux abords immédiats de la cathédrale, ils atteignaient plusieurs dizaines de milliers de µg/m2. D’autres prélèvements effectués à distance de la cathédrale, dans les rues et sur les trottoirs parisiens, les aires de jeux, les cours d’écoles… montrent une contamination hétérogène, alors que les prélèvements intérieurs sont beaucoup plus faibles. Le plomb est ingéré en portant à la bouche les mains ou des objets contaminés par ces poussières. Il s’agit de plomb qui se solubilise dans l’estomac après ingestion et dont l’absorption digestive est importante chez le jeune enfant (40 à 55%) et plus faible chez l’adulte (5 à 10%).
Les enfants de moins de 7 ans, en particulier ceux âgés de 6 mois à 4 ans chez qui le portage à la bouche est très fréquent, constituent la population à risque ainsi que les femmes enceintes. L’information sur les règles d’hygiène est capitale car elles permettent de réduire fortement l’exposition aux poussières contaminées par le plomb :
La question du dépistage de la plombémie s’est également posée pour cette population exposée à ces poussières de plomb. Le Haut Conseil de la santé publique a proposé un dépistage collectif chez des enfants âgés de 6 mois à 6 ans exposés à une concentration moyenne de plomb sur les sols ou sur les surfaces atteignant ou dépassant une valeur indicative de 70 µg/m2, mesurée dans les lieux fréquentés par ces enfants : locaux intérieurs (logements, crèches ou écoles) et espaces extérieurs (jardins, squares, aires de jeux…). Cette valeur a été calculée comme étant la concentration en plomb dans les poussières qui conduirait, pour une exposition continue, à une teneur en plomb dans le sang, ou plombémie, de 50 µg/L pour les 5% des enfants les plus exposés, c’est-à-dire ceux qui ingèrent le plus de poussière. La construction de cet indicateur ne tient pas compte d’une éventuelle co-exposition à d’autres sources de plomb. Il faut également préciser que la plombémie de 50 µg/L est un seuil de déclaration obligatoire, de suivi médical et d’enquête environnementale, mais qu’elle ne constitue pas un seuil d’innocuité.
Toutefois, selon les préconisations du Haut Conseil de la santé publique, en cas de persistance du ou des facteurs de risque d’exposition au plomb, le suivi de la plombémie, quel que soit son niveau, est recommandé jusqu’à l’âge de 6 ans.
Cet évènement exceptionnel nous rappelle que le plomb est présent dans des bâtiments historiques ou l’habitat ancien et utilisé encore aujourd’hui dans certaines activités industrielles, des produits traditionnels (cosmétiques, remèdes, objets et ustensiles) et dans des activités de loisirs. Il constitue alors une véritable bombe à retardement…
Fabien Squinazi
Président du Collège SEIQA
Membre du Haut Conseil de la santé publique