ALLERGIQUE ? Histoires et nouvelles pour petits et grands.
L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.
Maman vient d’allumer une bougie et la flamme tremblotte dans la nuit. Elle découpe des ombres fantasmagoriques sur le mur; Je n’ose pas le dire, mais j’ai un peu peur.
Une autre chandelle éclaire chichement la cuisine et maman épluche des légumes pour la soupe de ce soir. La flamme n’illumine que faiblement ses mains, ses gestes sont réguliers. Je crois même que ses mains sont tellement habituées à peler les carottes, pommes de terre et à couper le poireau, qu’elles paraissent animées d’une vie propre. Je ne vois pas le visage de maman, caché dans la pénombre. Son visage si familier me parait étranger. Je n’avais jamais vu ce pli sur son front et au coin des yeux.
« Tom, peux-tu me passer la casserole, j’ai mes mans trempées. »
La seule chandelle m’ éblouit et le grand tiroir à casseroles me parait bien sombre tout à coup.
Maman met la soupe à cuire doucement.
Tout n’est que silence autour de nous. La neige tombe derrière les vitres et la route est scintillante au bas de la maison. Pas un bruit, jamais je n’ai « entendu » un silence aussi profond, aussi calme.
Tous les deux, nous allons nous réfugier dans le salon, un feu crépite dans la cheminée et une auréole de lumière éclaircit le carrelage. Je n’ai jamais remarqué la multitude de couleur de ce sol. Pour moi, il est toujours marron clair et froid. Maman le passait à grande eau tous les jours, pour enlever les « chnis » comme disent mes copains : les chnis, ce sont ces petits amas de poussière qui se glissent sous les meubles, et que maman traque avec énergie depuis que j’ai su que j’étais allergique aux acariens…., et d’ailleurs avant aussi.
Maman rapproche le fauteuil de la cheminée et me prend sur ses genoux. A 8 ans je suis trop grand pour cela, mais pas aujourd’hui. J’ai besoin de sa chaleur. La grande pièce est sombre et froide. Je ne la reconnais plus. Pourtant j’y suis toute la journée , dixit maman qui me reproche d’être trop souvent devant la télévision. Là le grand meuble fait une tache noire au coin de la pièce et j’ai l’impression d’un trou noir qui va m’absorber.
C’est la 1ère fois que je sens l’odeur de la soupe qui provient de la cuisine. Pourtant Maman en fait tous les soirs en hiver. Elle me fait doucement descendre de ses genoux et nous allons nous réfugier dans la cuisine. Maman passe les légumes à travers l’antique moulin à légumes qui a été donné par Mamy. C’est la 1ère fois que je vois ces gestes anciens. Seul le crissement du moulin à légumes est perceptible. Dehors la neige tombe toujours et la lune éclaire entre 2 nuages. C’est étrange, je n’ai jamais ressenti une telle sérénité. Un morceau de beurre et des lamelles de Comté sont un régal dans ma soupe. Maman rit et me dit : « Tom, va doucement, tu sais ce soir il n’y aura pas de télé. » Chaque cuillère me réchauffe l’intérieur du ventre. Ce soir j’ai même droit à une cerise à l’eau de vie, car Maman me dit qu’il faut se réchauffer.
Nous repartons tous les deux auprès de la cheminée. Le vent souffle dans le conduit et les flammes dansent. Pourtant ce n’est pas la1ère fois que la cheminée est allumée.
« Veux-tu que je t’apprenne un nouveau jeu. Tiens va me chercher l’Awalé sur la commode »
L’Awalé c’est un étrange bout de bois sculpté qui est sur le meuble. Je ne savais même pas qu’il s’agissait d’un jeu. Maman m’apprend vite les règles : 4 graines dans chaque trou et je les déplace pour prendre les siennes. Les graines sont chaudes dans ma main, le reflet de la cheminée adoucit les formes . J’ai gagné, mais Maman n’a pas fait très attention car elle a loupé quelques coups très faciles.
« Maintenant c’est l’heure d’aller te coucher et tu vas te mettre directement en pyjama, car il n’y a plus d’eau chaude pour faire ta toilette. Par contre, les dents il faut quand même les brosser. »
Maman a sorti de l’armoire une couette, car il ne fait vraiment pas chaud dans ma chambre et mon lit est glacial. Elle s’en va en emportant la chandelle car elle n’a pas voulu me laisser la bougie en train de bruler. Il fait tout noir, mais alors, tout noir dans ma chambre. D’habitude je ne peux pas dormir si je n’ai pas une veilleuse qui éclaire un peu ma chambre. Peu à peu, mes yeux s’habituent à l’obscurité et à travers les volets je vois un peu de clarté. Hélas, je tousse toute la nuit et je crois que c’est la faute de cette couette. Je n’arrive pas à dormir, je me mets assis dans mon lit en remontant mes couvertures jusqu’au bout de mon nez et me réveille le lendemain à la lumière violente de mon réveil qui éclaire mon plafond. Les bruits familiers de la maison me paraissent incongrus : la radio, le lave-vaisselle et surtout le vacarme assourdissant de l’essorage du lave-linge.
» Bonjour mon poussin, as-tu as bien dormi? ». Je ne vais pas lui dire que j’ai toussé toute la nuit à cause de la couette..
« Dis Maman, quand est-ce qu’on va faire une autre journée comme nos ancêtres?, c’était tellement bien hier soir »
« Ah, bon, tu ne veux plus de télé, de téléphone, de console, et surtout pas de chauffage. »
« Ben non, je n’ai pas dit ça, jusque que j’ai découvert des tas de choses que je ne connaissais pas, il faudra refaire une journée avec les bougies et les bûches dans la cheminée, mais il faut garder tout le reste et surtout m’acheter une nouvelle couverture. Tu sais j’ai beaucoup toussé cette nuit. Je pense que c’est à cause de la couette que tu as sortie du placard, mais heureusement j’ai trouvé mon aérosol-doseur sous mon oreiller, c’est toujours là que je le mets avant de dormir. Et cette nuit, sans lumière, je l’ai retrouvé tout de suite. Peut-être aussi que je me suis mis trop prêt de la cheminée, hier après-midi et tu m’as dit que le ramoneur n’était pas encore venu nettoyer le conduit, comme tous les ans. «
ALLERGIQUE ?
Histoires et nouvelles pour petits et grands.
Le printemps.
L’allergie est une maladie mondiale en forte expansion.
Cet ouvrage aborde l’allergie par le biais de petites histoires. Le vécu de l’allergique, ses difficultés au quotidien sont décryptés afin de mieux connaître et par conséquent de mieux combattre ce fléau : l’allergie. De nombreux conseils, astuces sont donnés pour identifier et éviter l’allergène responsable des symptômes présentés.
L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.
Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.
Michèle PIPART est médecin allergologue et exerce depuis 1989 l’allergologie dans son cabinet libéral. Elle est également diplômée en Sophrologie relaxation.