Dans une précédente tribune (avril 2019), j’évoquais dans la lignée des procès de justice climatique l’entrée en force des procès de justice sanitaire. C’est déjà le cas pour les pesticides et plus précisément le glyphosate, devenu emblème de la pollution chimique des sols, des espèces et des humains.
Justice sanitaire acte II
Dans une précédente tribune (avril 2019), j’évoquais dans la lignée des procès de justice climatique l’entrée en force des procès de justice sanitaire. C’est déjà le cas pour les pesticides et plus précisément le glyphosate, devenu emblème de la pollution chimique des sols, des espèces et des humains. C’est désormais le cas avec la pollution de l’air et une première étape de mise en cause de la responsabilité de l’État pour les pathologies subies par une mère et sa fille au voisinage du périphérique parisien, pathologies les ayant conduites à devoir quitter la région parisienne. Le tribunal administratif de Montreuil a en effet tenu une audience la fin du mois de mai 2019 au cours de laquelle le rapporteur public a conclu à cette responsabilité, nonobstant ou peut-être à cause de la thèse inacceptable de l’État selon laquelle la faute de la victime devait être retenue, car, si on est fragile, on a l’obligation de ne pas habiter à Paris… le droit à respirer un air sain qui ne nuise pas la santé est manifestement bien loin. Il ne s’agit là que d’une première étape puisque plusieurs procédures ont été engagées par des associations et notamment Respire pour faire juger l’illégalité du plan protection de l’atmosphère de Paris qui reconnaît comme inéluctable le dépassement des normes… jusqu’en 2025. Mais il ne s’agit là encore que de procédures administratives. Elles ne sont pas les seules.
La procédure communautaire visant la France pour non-respect des normes, qui traîne depuis des années, semble connaître un regain d’activité. En effet, une mise en demeure a été adressée à la France le 24 janvier 2019 pour respecter la directive 2008/50/CE qui exige que soient prises des mesures appropriées pour écourter le plus possible période de dépassement. La France a deux mois pour répondre et à défaut un avis motivé pourrait être adressé, prélude de la saisine de la cour de justice. Deux procédures sont déjà engagées contre la France concernant les NO2 (avis motivé du 15 février 2017) et les PM 10(avis motivé du 28 octobre 2011 complémentaire du 29 avril 2015). Mais, la cour de justice n’a été saisie qu’en mai 2018 ce qui montre quand même un très grand laxisme de la Commission à l’égard de la France et de très nombreux autres pays. Cependant, la jurisprudence commence à s’établir. La Cour de justice a rendu un premier arrêt contre la Bulgarie le 5 avril 2017 condamnant ce pays pour non-respect de la législation. Puis un second arrêt a été rendu le 22 février 2018 contre la Pologne concernant les PM10. Il est fort probable compte tenu des études de plus en plus alarmante sur l’impact sanitaire de la pollution de l’air la commission accélère le mouvement.Ce mouvement pourrait également être accéléré par la nouvelle jurisprudence autorisant les villes à saisir directement le tribunal de l’union européenne puisque les villes de Madrid, Paris et Bruxelles ont été jugés recevables attaquer une décision de la Commission à propos du dieselgate. L’inaction de la Commission dans ce domaine pourrait bien être un jour être contestée par les villes premières victime de la pollution.
Et puis, en embuscade, la procédure pénale. Jusqu’à présent, celle-ci a échoué. Un vieil arrêt de 1996,, rendu antérieurement l’intervention de la loi sur l’air avait rejeté la constitution de partie civile de victimes de la pollution. Les procédures engagées dans la vallée de l’Arve malgré une pollution record ne semblent pas davantage avoir abouti jusqu’à présent. Pourtant, le lien de causalité entre des pathologies lourdes et les particules fines, la violation de normes de sécurité ou de prudence paraissent pouvoir être de mieux en mieux établies. Il ne serait donc pas surprenant que les mois qui viennent permettent des avancées dans ce domaine qui conduiraient les autorités publiques susceptibles d’être personnellement mis en cause à donner la priorité à la santé..
Corinne Lepage
Ancienne Ministre de l’Environnement
Huglo Lepage Avocats