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Point de vue du Président du collège interdisciplinaire SEIQA

Comment un nouveau virus nous rappelle l’importance de la qualité de l’air

publié le 08/04/2020 | par Fabien Squinazi

Tout le monde connaît aujourd’hui le marché de Wuhan à l’origine de la pandémie à un nouveau coronavirus, baptisé par l’Organisation Mondiale de la Santé SARS-CoV-2 et responsable de la maladie du coronavirus 2019, le Covid-19. Ce virus, plus contagieux que le virus grippal, est responsable de formes cliniques très variables, allant de formes asymptomatiques, les plus fréquentes, à des symptômes pseudo-grippaux jusqu’à des pneumonies conduisant parfois à un syndrome de détresse respiratoire aiguë et une défaillance de plusieurs organes.

La période d’incubation est 1 à 14 jours, principalement de 3 à 7 jours. On sait aujourd’hui que ce virus de 80 à 160 nanomètres de diamètre se transmet principalement entre les proches, par contact direct, par l’intermédiaire de gouttelettes (> 10 microns), expulsées par la respiration, la parole ou la toux. Ces gouttelettes tombent sur des surfaces à environ 1 à 2 m de la personne infectée. Les mains, en touchant ces surfaces ou objets fraîchement contaminés et portées aux yeux, au nez ou à la bouche, facilitent également la transmission du virus. De fines particules (< 5 microns) sont également générées par la toux, les éternuements ou la conversation mais aussi par évaporation des gouttelettes (noyaux de condensation ou résidus secs). Il a été montré que ces fines particules restent longtemps en suspension dans l’air et que le virus reste actif jusqu’à 3 heures dans l’air. Les écoulements d’air dans les pièces et dans les conduits d’extraction d’air entraînent ces fines particules. Toutefois, il n’y a pas de preuves d’infections à Covid-19 rapportées par cette voie de transmission à distance.

Le port d’un masque dit chirurgical, en limitant les projections des porteurs de virus, et la distance physique de sécurité (1 mètre en France) permettent de lutter contre la transmission interhumaine du SARS-CoV-2 (jet oropharyngé). L’hygiène régulière des mains et le traitement des surfaces font partie aussi des mesures barrières. Dans les bâtiments, où les personnes sont confinées, la recommandation essentielle est d’éviter les espaces peu ventilés et la trop forte densité d’occupation en assurant le renouvellement d’air pour évacuer les particules virales. Il convient d’introduire le maximum d’air frais par personne, par les installations de ventilation mécanique et/ou par l’ouverture fréquente des fenêtres. Même s’il n’y a pas de preuves d’une transmission de l’infection Covid-19 à distance (protection vis-à-vis des projections des porteurs de virus, dilution des particules virales dans le flux d’air), on recommande par précaution de mettre à l’arrêt, ou de les nettoyer plus fréquemment, les unités individuelles de climatisation, pour éviter la dissémination des particules virales présentes dans la pièce et de supprimer la recirculation de l’air des systèmes de climatisation assurant un mélange d’air repris et d’air neuf pour éviter la réintroduction des particules virales dans le circuit d’amenée d’air dans les locaux, les filtres des installations ne retenant pas les virus.

Cette crise sanitaire pandémique nous a ainsi montré que la qualité de l’air dans les bâtiments était, plus que jamais, un garant de la prévention vis-à-vis des polluants intérieurs, mais aussi des infections virales.

Depuis deux siècles, notre mode de vie a considérablement changé et la population passe aujourd’hui plus de 80 % de son temps dans des espaces clos. Ces bâtiments offrent peu de niches où des bactéries peuvent se développer. Pour des raisons d’hygiène, les matériaux sont de plus en plus hydrophobes, inorganiques et non poreux. L’utilisation fréquente de produits chargés en substances chimiques, tels que les produits d’entretien, engendre des conditions de stress qui sélectionnent des bactéries capables de dormance, multi-résistantes. Pour l’Académie nationale des sciences, ce sont ces déséquilibres du microbiote qui vont favoriser la survenue de maladies. Par ailleurs, une hygrométrie faible de l’air intérieur est habituellement constatée dans les immeubles climatisés dont l’air est asséché au cours de son transfert dans les conduits aérauliques, en absence d’humidification. Le Docteur Taylor de la Harvard Medical School a montré qu’un air sec altère les fonctions de barrière et diminue la résistance aux infections chez l’homme. Les mécanismes de protection respiratoire auraient besoin d’une humidité relative entre 40 et 60 % ; en dessous et au-delà, les modes de défense observées chez l’homme seraient plus faibles et les pathogènes présenteraient un potentiel infectieux plus élevé.

Ces études, présentées à la « Conférence sur les environnements bâtis, naturels et sociaux : impacts sur les expositions, la santé et le bien-être » (Kaunas, Lituanie, août 2019), nous démontrent l’importance de la richesse, de la diversité et de l’équilibre des écosystèmes et de leur rôle dans le développement du système immunitaire. Les notions d’hygiène, telles qu’elles nous sont présentées et médiatisées aujourd’hui sous la forme d’une lutte incessante contre les bactéries de notre quotidien, devraient être revues. Nos meilleurs alliés contre les pathogènes sont leurs compétiteurs non dangereux de la flore environnementale. Le nouveau coronavirus, le SARS-CoV-2, s’est aujourd’hui invité dans nos environnements intérieurs où il contamine objets, surfaces et linge, de quelques heures à quelques jours selon le type de support, l’humidité résiduelle, la température, la quantité de liquide biologique et la concentration virale initiale. Les mains en touchant les surfaces contaminées puis le visage en sont alors un des vecteurs principaux de transmission.

Le simple nettoyage des surfaces réduit de manière équivalente micro-organismes pathogènes et environnementaux, alors que la désinfection, en voulant s’attaquer aux pathogènes, crée un déséquilibre microbien. Des environnements peu riches en micro-organismes ne conviennent que dans des cas spécifiques hospitaliers tels que les salles d’isolement, les secteurs opératoires, etc. Ces informations devraient être données à nos patients allergiques pour mieux protéger leur environnement microbien.

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