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En mai, fais ce qu’il te plaît

publié le 10/05/2021 | par Delphine Prince

Fidèle à son rendez-vous annuel, la pollinisation des graminées ne s’est pas fait attendre.
Première famille de pollens allergisants en France, les graminées ou Poacées constituent l’une familles de plantes à fleurs les plus importantes et les plus largement répandue dans le monde. Elle comporte plus de 8000 espèces.
Nombre de leurs espèces sont utiles à l’alimentation tant humaine qu’animale.

Pensons aux céréales telles que le blé, l’orge, l’avoine, le seigle, le froment, le maïs, le riz, mais aussi la canne à sucre.

Quant aux graminées fourragères, plus communément appelées « herbes », on les trouve dans les prairies, savanes, steppes.

La poésie de leur dénominations – dactyle pelotonnée, fétuque, fléole des près, folle avoine, houlque laineuse, flouve odorante, ivraie, paturin – n’a d’égale que leur potentiel allergisant.

Si les graminées présentes dans les champs céréaliers, prairies, bordures des chemins façonnent le paysage rural, on les trouve aussi en nombre dans nos villes et les citadins sont tout autant exposés que les ruraux à la pollinisation. N’oublions pas que le caractère anémophile (dispersés par le vent) des pollens allergisants rend possible leur dispersion jusque très loin de leur lieu d’émission. Et nombre d’espaces citadins, terrains en friches, bordures des axes routier et autoroutiers sont colonisés par les graminées.

Sans compter la vogue des graminées ornementales, utilisée pour leurs propriétés décoratives, pour certaines au fort pouvoir allergisant, plantées à la fois dans les espaces verts des villes et dans les jardins des particuliers. Le guide « végétation en ville » nous conseille de privilégier des espèces à floraison moindre et donc à plus faible émission de pollens.

La pollution de l’air, plus prononcée en ville dégrade l’enveloppe extérieure des grains de pollens, favorise la sortie des protéines allergisantes et expose les allergènes au contact direct des muqueuses. Les polluants, en particulier les particules fines et l’ozone, sont des irritants respiratoires directs, ils accentuent la réaction allergique et diminuent le seuil de réactivité aux allergènes. Chez certains patients qui présentent des signes allergiques typiques tant sur leur présentation clinique que sur la chronologie des signes nettement en rapport avec les émissions polliniques, les explorations ne permettent pas toujours de mettre en évidence une allergie, ce qui laisse supposer une action pro inflammatoire non allergique des grains de pollens.

Les conditions météorologiques influent elles aussi sur l’allergénicité des grains de pollen : le nombre de grain de pollens émis augmente avec la température. La pluie et particulièrement les pluies fortes des orages d’été dégrade les grains de pollens en particules plus petites qui sont inhalée plus profondément dans les voies respiratoires, ce qui favorise la recrudescence des crises d’asthme chez nos patients, après les orages. On voit alors des pics d’admission pour asthme dans les services d’urgence.

En 2021, selon les données du RNSA, les Poacées émettent leurs pollens depuis la mi-avril que ce soit au nord, au sud, à l’est, à l’ouest, en plaine ou en altitude, même si le risque pollinique varie en fonction des régions. Les patients allergiques aux pollens de graminées ont eux aussi reconnus le début de la pollinisation, avec la réapparition de leurs rhinites, conjonctivites, asthme voire avec la réactivation de leur eczéma.

Les différentes espèces de graminées, aux allergènes très proches, pollinisent successivement, et certaines pollinisent en plusieurs phases, ce qui explique la durée longue de la saison pollinique des graminées.

Classiquement limitée du début mai à la mi-juillet, il y en encore 20 ans, la période durant laquelle les patients allergiques aux pollens de graminées sont symptomatiques peut s’étendre maintenant du début du mois d’avril au début du mois d’octobre du fait d’une pollinisation à la fois plus précoce et rendue durable par la douceur du début de l’automne, y compris au nord. L’impact du réchauffement climatique sur la plus grande précocité de la pollinisation et l’allongement de la durée de la saison pollinique est maintenant bien documenté.

La pierre angulaire du traitement de l’allergie est l’éviction (éviter le contact avec son allergène).
L’émission de pollens est réduite par la tonte et le fauchage avant floraison. C’est probablement à cause de l’absence de fauchage rendu plus tardif en 2020 par l’absence d’activité durant le premier confinement que nos patients ont souffert l’an dernier de signes de pollinose particulièrement intenses.

Espérons que cette saison 2021 sera moins difficile à vivre que la précédente pour nos patients allergiques aux pollens de graminées et qu’elle ne limitera pas leurs activités ni leur qualité de vie.

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