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Est-on condamné à vivre avec les symptômes de nos allergies ?

publié le 06/11/2022 | par Delphine Prince

L’allergie est une pathologie chronique dont les signes se déclarent dès le plus jeune âge. Alors nos patients sont-ils condamnés à vivre avec leurs symptômes durant toute leur existence ?

Parlons-en.

La première étape du traitement de l’allergie qu’elle soit alimentaire, respiratoire ou cutanée est l’évictionqui permet de supprimer les signes. Cela fonctionne très bien pour l’alimentation et les allergènes en théorie facilement évitables.

Dans la vraie vie, ce n’est pas toujours évident ou entièrement efficace.

Nombre de nos patients souffrent toujours de signes respiratoires malgré le bonne conduite de l’éviction des acariens.

D’autres doivent minimiser leurs sorties en saison pollinique voire rester enfermés ou de promener  avec un masque.

Certains n’adoptent pas d’animaux à poils mais ne peuvent visiter leurs familles et amis qu’au prix de signes respiratoires souvent gênants, les conduisant souvent à rester chez eux. Sans compter ceux de nous patients ou patientes qui emménagent avec le chat leur nouvelle ou nouveau chéri-e en même temps qu’avec l’élu-e de leur cœur.

Les traitements symptomatiques : antihistaminiques, traitements inhalés de l’asthme, traitements locaux sous la forme de simple lavage au sérum physiologique, spray nasaux (corticoïdes ou antihistaminique local), collyres ont ici leur place.

Ils peuvent être proposés en prise quotidienne sur des signes persistants, soit toute l’année, soit durant la période de pollinisation, voire même de façon ponctuelle en période de gène si les signes sont intermittents ou en préventif (par exemple avant de rendre visite aux propriétaires d’animaux ou avant de dormir chez les grands parents au domicile riche en acariens).

Ce type de traitement rend de grands services et permet souvent une amélioration des signes avec un meilleur voire un complet contrôle de l’asthme (c’est maintenant l’objectif) et une qualité de vie restaurée par l’atténuation ou par la disparition des signes d’asthme, de rhinite et de conjonctivite allergiques.

L’allergologue dispose en plus de cela d’une arme redoutable qu’est l’immunothérapie allergénique (ITA) mieux connue du public sous le nom de désensibilisation. 

La désensibilisation aux allergènes per annuels peut être débutée quelle que soit la période de l’année. Pour les acariens, nombre de  patients consultent à l’automne, motivés par l’intensification automnale de leurs signes.

Pour les pollens, ce traitement est débuté hors saison pollinique et idéalement 3 à 4 mois avant l’arrivée des premiers pollens ciblés (mais un peu plus près de la saison pollinique, il n’est pas trop tard).

Nombre des patients qui me consultent en ce moment font partie de ces patients allergiques pour lesquels on a décidé qu’il était indiqué de « passer à la désensibilisation » . 

C’est donc là l’actualité de l’allergologue en cette période ! 

Qu’est-ce que l’ITA ? Comment ça marche ?

L’allergie est une réaction inapproprié du système immunitaire qui engage une réaction de défense vis-à-vis de protéines d’éléments inoffensifs de l’environnement (appelés allergènes). L’administration d’une dose croissante et progressive de l’allergène a pour but de reprogrammer le système immunitaire vers l’induction d’une tolérance (non, le pollen n’a rien à voir avec le méchant virus qui m’agresse et contre lequel effectivement je DOIS me défendre !).

Le traitement doit être poursuivi 3 ans pour obtenir une amélioration durable (qui persiste plusieurs années après l’arrêt de ce traitement).

En 2021, les allergologues français ont rédigés une liste de recommandations pour la prescription de l’immunothérapie spécifique et le suivi du patient. Décryptons quelques-unes de ces recommandations et leurs implications pratiques :

Qui peut bénéficier de ce type de traitement et comment ce traitement se présente-t-il ?

Les patients au-delà de 5 ans chez qui le bilan allergologique spécialisé a mis en évidence une corrélation claire entre l’existence de signes respiratoires et l’exposition à un allergène auquel le patient est sensibilisé (c’est-à-dire que les tests cutanés et/ou la biologie sont « positifs » pour les allergènes ciblés).

La prescription et le renouvellement de l’ITA sont réservés au médecin compétent en allergologie. Actuellement en France, la seule voie d’administration disponible est la voir sublinguale (ITSL), soit sous forme de soluté, soit sous forme de comprimé (disponibles pour les acariens, le pollen de graminées, le pollen de bouleau). L’allergologue prescripteur propose à ses patients la formule qui lui convient le mieux. 

Le traitement est à poursuivre 3 à 5 années et l’observance (l’absence d’oublis du traitements !) est l’un des piliers de l’efficacité.

L’ITA est un traitement des allergies respiratoires uniquement (au sens large puisqu’à l’asthme et à la rhinite, nous ajouterons la conjonctivite allergique y compris isolée). Il est préférable d’obtenir un bon contrôle de l’asthme avant mise en place. Elle n’a pas d’indication dans la dermatite atopique isolée. 

L’ITA a sa place en seconde intention lorsque, après réalisation des mesures d’éviction, le traitement symptomatique bien conduit ne soulage pas le patient. 

L’ITA « peut être proposée en première intention « selon  l’évaluation de la part de l’allergologue du fardeau de la maladie et des bénéfices attendus du traitement » : ce traitement est fréquemment proposé à des patients, en particulier enfants, adolescents et jeunes adultes que le traitement symptomatique soulage encore.  L’objectif est alors une amélioration durable de la réactivité à l’allergène concerné et une évolution long terme favorable de la maladie : l’ITA limite le risque d’apparition de l’asthme chez les personnes qui souffrent de rhinite allergique et peut limiter l’apparition de nouvelles sensibilisations allergiques chez l’enfant.

Alors oui, l’allergie peut et doit être traitée. Et il est dommage d’entendre de trop nombreux patients qui nous disent ne se décider à consulter pour leur allergie qu’après des années de souffrance (le terme n’est pas exagéré, tant est impactante sur la qualité de vie l’allergie respiratoire). Faisons leur savoir qu’ils ne sont pas obligés de « vivre avec leur allergie » et que des conseils et traitements adaptés peuvent les aider.

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