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L'ingrédient du mois

La muscade, une noix, une épice, un toxique, une drogue et un produit cosmétique.

publié le 10/05/2021 | par Jean-François Fontaine

La noix de muscade est le fruit du muscadier (Myristica fragrans) un arbre tropical de la famille des myristicacées originaire des Moluques en Indonésie et cultivé aux Indes, Sri Lanka, Guatémala, Népal et à Grenade. Il atteint une douzaine de mètres et peut vivre jusqu’à plus de 100 ans. Les individus femelles portent les fruits constitués d’un péricarpe charnu consommé confit et d’une graine entourée d’un faux fruit ou arille utilisé comme épice sous le nom de macis. La graine est aussi une épice commercialisée en coque ou en albumen dépourvu de sa coque. La production mondiale dépassait 73 000 MT en 2008.

L’usage de la muscade est surtout alimentaire et à petites doses (pas plus d’une demi-cuillère à café pour 4 adultes). Le macis est séché et réduit en poudre et sert de condiment à parfum de cannelle et de poivre pour les charcuteries et mélanges d’épices pour potages, viandes en sauce, omelettes, béchamel ou purée de pommes de terre. Plus habituellement dans la cuisine française on utilise la noix rappée pour aromatiser des sauces, gratins, viandes, soupes, purées, ou cocktails. Elle entre dans la composition du curry et du Coca-Cola.

En médecine traditionnelle et en aromathérapie on prête à la muscade des vertus antiinflammatoires, analgésiques et antibactériennes. Sous forme d’infusions et d’huile essentielle elle aurait aussi des vertus neurotoniques, eupeptiques et antiparasitaires. Mais surtout c’est un puissant toxique responsable d’empoisonnements en cas de consommation à fortes doses d’amandes fraichement moulues ou d’huile, avec des effets psychoactifs attribués à la myristicine et à l’élémicine, composés assez proches de l’ectasy et de la mescaline. Les empoisonnements à la noix de muscade se produisent lors de la consommation accidentelle par des enfants ou lors d’un usage récréatif intentionnel avec recherche d’effets psychotropes ou hallucinogènes. A faible dose en tant que condiment elle n’a heureusement aucun effet délétère.

En cosmétologie le beurre de muscade entre dans la composition de parfums, de savons et de pâtes dentifrice. Les triglycérides extraits de la noix de muscade permettent de synthétiser de l’acide myristique et du myristate d’isopropyle qui entre dans la composition de « l’alcool des parfumeurs », support de dilution très utilisé en parfumerie.

Les allergies alimentaires à la muscade ne sont pas rapportées (1). En revanche on décrit des symptômes respiratoires professionnels fréquents chez les ouvriers récoltant ou manipulant les noix de muscade à Grenade (2) et surtout des allergies de contact dans des publications déjà anciennes (3). Ainsi sur un groupe de patients présentant des tests épicutanés positifs à un marqueur d’allergie aux épices (colophane, baume du Pérou, fragance-mix et wood tars) 28% présentaient un patch-test positif à la muscade, et plus souvent si le test était positif aux fragances.

A la fois ingrédient alimentaire et cosmétique, la muscade mérite toute notre attention !

1-Moneret-Vautrin DA., et al. Food allergy and IgE sensitization caused by spices : CICBAA data (based on 589 cases of food allergy). Allerg Immunol (Paris) 2002 ;34 :135-40.
2-Muge Akpinar-Elci, et al. Occupational exposure and respiratory health problems among nutmeg production workers in Grenada, the Carribbean. Int J Occup Environ Health 2017 ;23 :20-4 –
3- Van der Akker TW.,et al . Contact allergy to spices. Contact dermatitis 1990 ;22 :267-72.

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