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Point de vue du Président du collège interdisciplinaire SEIQA

La pollution de l’air va-t-elle entraîner des migrations massives de population ?

publié le 08/02/2021 | par Fabien Squinazi

Pour la première fois, le 18 décembre 2020, une cour administrative d’appel en France a annulé l’extradition d’un étranger en invoquant le risque lié à l’extrême pollution de l’air dans son pays d’origine. Ce jugement qualifié d’historique, qui pourrait faire jurisprudence, a été prononcé en Haute-Garonne pour un ressortissant du Bangladesh. L’enjeu majeur de santé publique que représente la pollution de l’air s’associe aujourd’hui à un immense problème de migrations, que les gouvernements sont appelés à envisager de toute urgence. La pollution atmosphérique ne respecte pas les frontières nationales et la dégradation de l’environnement risque d’entraîner des migrations massives à l’avenir.

Le tribunal de Bordeaux a en effet refusé l’expulsion de « Sheel », un sans-papiers originaire du Bangladesh vivant à Toulouse et atteint d’une maladie respiratoire chronique, en fondant sa décision sur des critères de pollution atmosphérique. Serait-ce le premier jugement d’une cour administrative d’appel qui consacre le statut de réfugié climatique ? « Oui, car effectivement, je n’ai pas connaissance d’une autre affaire où la justice aurait considéré comme c’est le cas ici, que renvoyer une personne qui souffre de problèmes respiratoires dans un des pays les plus pollués au monde, l’exposerait à un risque d’aggravation de sa maladie, voire à une mort prématurée » indique l’avocat toulousain Ludovic Rivière.

Ces dernières années, le Bangladesh est devenu l’un des pires pays du monde en matière de pollution de l’air. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le Bangladesh fait partie des dix premiers pays pour les concentrations de PM 2,5. Les plus grandes causes de cette pollution sont les émissions des véhicules, la combustion des déchets et les émissions industrielles des usines de béton, d’acier et de briques qui sont rejetées dans l’air. La pollution atmosphérique, tant ambiante que domestique, est un facteur de risque extrêmement élevé dans les 577 600 décès dus à des maladies non transmissibles. Environ 72 % des ménages utilisent encore des combustibles solides pour le chauffage et la cuisine. Pour la cour d’appel, renvoyer le réfugié bangladais dans son pays d’origine engendrerait « une aggravation de sa pathologie respiratoire en raison de la pollution atmosphérique ». La justice fait donc intervenir le critère climatique dans sa décision.

« De la même manière qu’on ne renvoie pas un malade du Sida vers un pays où il ne peut pas être soigné…, Sheel ne peut pas être expulsé vers le Bangladesh. De là à faire jurisprudence et à créer un vrai statut de réfugié climatique en France, on en est encore loin », estime Me Rivière qui espère désormais que les pouvoirs publics et les tribunaux considéreront de manière plus systématique la question climatique. « Les candidats à l’exil climatique vont être de plus en plus nombreux, les politiques ne vont pas avoir d’autre choix que de s’y intéresser rapidement ». La pollution de l’air provoque des millions de décès prématurés chaque année, il est donc compréhensible que les gens se sentent obligés d’émigrer à la recherche d’air pur pour préserver leur santé. Chacun a le droit de vivre dans un environnement sain et de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé.

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