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La santé environnementale à la trappe

publié le 07/06/2022 | par Corinne Lepage

La nouvelle organisation gouvernementale semble avoir passé à la trappe la question de la santé environnementale.

Le sujet santé environnement est manifestement un sujet qui peine à s’imposer dans les politiques publiques et partant dans l’organisation administrative. J’avais obtenu d’Alain Juppé en 1995 la compétence santé environnement pour le ministère de l’environnement ce qui était une première. À l’époque, il n’y avait eu aucun débat tant le sujet paraissait probablement inexistant et insignifiant pour le ministère de la santé. Avec la création en 1996 du comité de la prévention et la précaution – qui existe toujours à ce jour mais intégré au sein du haut conseil de l’expertise- , la situation s’était tendue, le ministère de la santé et surtout le conseil supérieur d’hygiène publique de France y voyant un risque de concurrence qui existait indéniablement. Malgré les oppositions et les pressions, le CPP avait été créé et a rendu des avis extrêmement importants au cours des 25 années qui se sont écoulées.

Pour autant, le lien santé environnement a toujours autant de difficultés à trouver sa place en France alors même qu’au niveau communautaire, la commission du parlement européen qui traite de l’environnement est la commission santé environnement. Progressivement, grâce aux études d’impact sanitaire imposé par la loi sur l’air ou loi Lepage de 1996, aux connaissances de plus en plus pointues sur l’impact des pollutions qu’elles émanent de l’air, de l’eau ou des sols et bien entendu des produits chimiques en particulier, l’impact de l’environnement sur la santé est indéniable. Cela  ne signifie pas pour autant que les politiques de prévention sanitaire aient progressé au cours des dernières années. Au contraire, les condamnations à répétition de la France par la cour de justice de l’union européenne pour son incapacité à réduire les dioxydes d’azote et les particules fines, les nitrates dans l’eau, l’usage des pesticides qui ne cessent en réalité de croître sont une illustration du peu de cas que nos politiques publiques font de l’impact sur la santé, de ces produits mortifères. Le refus de disposer de registres à l’échelle nationale sur les cancers et les malformations congénitales traduit du reste ce déni de réalité dans lequel se place le gouvernement. Éviter à tout prix de mettre en lumière des corrélations possibles entre certaines pratiques agricoles et industrielles et des closters de malformations congénitales par exemple ou de surnombre de certains types de cancer est un maître mot des politiques de santé publique en France depuis des années, pratique malheureusement validée par le conseil d’État.

La nouvelle organisation ne promet pas bien au contraire de progrès. La séparation du grand ministère de la transition écologique en un ministère de la transition énergétique d’une part de la transition écologique et territoriale de l’autre ne laisse aucune place à la question de la santé environnementale. En effet, si le second ministère reprend les compétences de l’ancien ministère d’État hormis l’énergie, ce n’est pas pour autant que la question de santé environnementale occupe une place digne de ce nom. Les décisions qui ont été prises au cours des mois passés, qu’il s’agisse de la réautorisation des néonicotinoides,  du maintien du glyphosate, de l’absence de politiques sérieuses de réduction des pesticides ou de mise en œuvre de réelles politiques pour lutter contre les perturbateurs endocriniens, sans parler de l’absence de mesures sérieuses pour lutter contre la pollution de l’air qui tue près de 50 000 de nos concitoyens tous les ans ,ne paraissent pas devoir faire l’objet de révision déchirante. 

Et pourtant ! La question de la santé publique est repassée au premier rang des préoccupations de nos concitoyens. Il ne s’agit pas seulement de la tragédie de l’hôpital public, victime des coupes budgétaires à répétition et d’une vision purement comptable de la santé. Il s’agit pas seulement des déserts médicaux dont le gouvernement s’est moqué comme d’une guigne et dont le conseil d’État a osé juger que la preuve n’était pas apportée de l’impact de ces déserts sur la santé des populations. Il s’agit de la prise de conscience des liens entre ce que chacun boit, mange, respire et utilise et les pathologies qui se développent, à commencer par celle des enfants.

Il est plus que temps que l’axe santé environnement devienne une politique publique à part entière dotée d’une direction générale reliée à la fois à la prévention en termes de santé publique , à la protection et la préservation des ressources naturelles et aux autorisations de mise sur le marché des produits chimiques en particulier mais aussi à la soumission aux ondes électromagnétiques. Tant qu’une telle organisation ne sera pas mise en place, le sujet de la santé environnementale restera un sujet mineur avec les conséquences humaines, sanitaires et économiques que nous connaissons.

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