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L’allergie à l’iode n’existe pas : mythe ou réalité ?

publié le 20/10/2011 | par arcaa

Docteur, je suis allergique à l’iode ! Un mythe à détruir

Les médecins et surtout les radiologues et les allergologues entendent plusieurs fois par semaine cette phrase : je suis allergique à l’iode. Que nous disent alors nos patients ?

Bien souvent ils ont eu une réaction plus ou moins bien documentée au cours d’une radiographie avec utilisation d’un produit de contraste iodé (P C I). Des conseils leur ont alors été donné d’éviter toute consommation de fruits de mer voire de poisson, d’éviter les séjours au bord de la mer, de ne pas utiliser de désinfectant local contenant de l’iode et bien sûr une contre-indication formelle à tout examen avec utilisation de P C I .

Qu’en est il dans la réalité ?

L’iode est un élément indispensable à la vie. Les besoins journaliers chez l’adulte sont d’environ 150 µg,. Il sert exclusivement à fabriquer les hormones thyroïdiennes, dont la thyroxine. Sans iode ,la glande thyroïde ne fonctionne pas correctement On peut faire alors une insuffisance thyroïdienne. Dans les Alpes et les régions éloignées de la mer, où l’iode est rare, de nombreux malades souffraient de cette insuffisance thyroïdienne¨ avec un goitre. On pouvait sans traitement approprié voir un ralentissement important des facultés intellectuelles et cette maladie a été alors appelée « crétinisme ». Diderot est le premier à consigner le nom de « crétin » dans son encyclopédie raisonnée des sciences, des arts et des métiers (1754) d’où le nom de « crétin des Alpes » repris par entre autres Hergé à travers les paroles du capitaine Haddock. Sans iode, pas de vie : il ne peut alors pas y avoir d’allergie vraie à l’iode. En revanche : Ces différents élément accusés peuvent entrainer deux types de réactions :

1/ d’authentiques allergies :

– il y a alors des anticorps présents vis à vis de l’aliment ou du médicament et si on introduit ce dernier , il y a réaction explosive souvent en quelques minutes avec manifestations souvent cutanées

– urticaire c’est à dire de lésions proches des piqures d’ortie (urtica en latin !!)

-parfois œdème des lèvres paupières ou plus généralisées

Les réaction sont parfois cardiovasculaires avec chute de la tension artérielle, accélération du rythme cardiaque voire réel état de choc Des manifestations respiratoires peuvent apparaître avec rhinites (le nez coule ++, éternuements, nez bouché..) ou plus grave de la toux, un spasme des bronches et de l’asthme.

De façon moins inquiétante, des troubles digestifs sont parfois présents (diarrhées, vomissements). Devant ces allergies, des tests cutanés peuvent être faits avec soit l’aliment lui même (natif) soit le médicament, soit des extraits commercialisés . Pour faire ces tests , il faut poser un peu de la substance sur la peau et piquer légèrement avec une petite pointe en plastique , attendre 20 minutes et regarder si au lieu du produit il y a une lésion avec rougeur , démangeaison, gonflement . Ces tests sont très utiles mais ont une méthodologie rigoureuse . Ils ne doivent être faits que par des médecins habitués à cette pratique . On peut aussi demander un dosage sanguin des anticorps vis à vis de la plupart de ces substances . Cet examen sanguin est surtout utile pour les aliments.

2/ On peut aussi voir des réactions d’intolérance par excès d’histamine.

Les manifestations sont très ressemblantes mais souvent moins marquées et surtout un peu plus tardives . La cause est le plus souvent un excès de toxine de type histamine dans certains aliments consommés à peine frais et en trop grande quantité .

Il peut aussi y avoir des médicament qui ont un pouvoir hyperosmolaire et qui font libérer de l’histamine chez les patients. Les plus sensibles auront alors des manifestations d’urticaire .

Quelles sont les substances le plus souvent accusées de la responsabilité d’une « fausse allergie à l’iode »

L’exposition à l’air marin : Jamais en cause. L’air marin n’a jamais entrainé le moindre trouble de la gamme allergique. Les patients allergiques peuvent sans risque partir aux bains de mer ou en bateau sans risque particulier.

Les poissons . Ils peuvent donner des réactions allergiques vraies . C’est alors une allergie à des protéines spécifiques du poisson et les autres produits de la mer ne réagiront pas . L’allergie est une réaction de sensibilisation à une protéine spécifique du poisson ; Il y a souvent réaction à de nombreux poissons par allergie croisée mais il n’y a pas de réaction habituellement entre poisson et crustacés ou mollusques. Le thon et certains autres poissons sont riches en histamine et peuvent donner des réactions toxiques d’hypersensibilité histaminique chez des personnes plus sensibles.

Les crustacés : Crabes crevettes, homards et autres langoustes peuvent donner d’authentiques allergies souvent sévères. Le seul contact même à très faible dose déclenche une réaction violente de type urticaire. Le responsable est une protéine présente dans de nombreux crustacés mais aussi dans les acariens : la tropomyosine. Il y a presque toujours réaction avec tous les crustacés ou la plupart , réaction sévère et rapide et parfois associée à une allergie aux acariens. Un consommation en grande quantité de produits moins frais peut aussi donner des réactions moins sévères d’ histaminotoxicité. Les mollusques : Parfois responsables d’histaminotoxicité mais plus rarement d’allergie vraie. On accuse souvent moules, huitres, qui sont rarement allergisantes. Les bigorneaux, praires, bulots et surtout escargots peuvent donner de réelles allergies sévères surtout chez des patients déjà allergiques aux acariens de la poussière de maison.

L’iode est un excellent antiseptique. On l’utilise en solution aqueuse ( Lugol) ou alcoolique ( teinture d’iode) et on ne retrouve pas d’allergie à ces produits. L’iode peut être fixé sur une protéïne la povidone et ce produit est très utilisé sous forme de povidone iodée ( Betadine®) Quelques rares réactions d’allergie immédiate avec urticaire ou choc ont été décrites. Dans ce cas , c’est la partie povidone qui est responsable et on peut réutiliser de l’iode en solution aqueuse ou alcoolique mais sans povidone. Il a aussi été décrit des réaction d’eczéma de contact également en raison d’une allergie à povidone. Le diiode dissout dans l’alcool (« teinture d’iode » ) ou dans une solution aqueuse d’iodure de potassium (solution de lugol) est également utilisé en pharmacie comme antiseptique puissant. Elle laisse des traces jaunes sombres caractéristiques sur la peau. Il existe également des composés organiques où l’iode est lié, tels le polyvidone iodée (Bétadine ou Iso-Bétadine)

Les produits de contraste iodés ou P C I Il existe en France 10 produits très utilisés pour permettre de visualiser à la radiographie ou au scanner les organes creux ou vasculaires ; Il faut faire une injection vasculaire ou dans un organe creux ( estomac, intestin, articulation…) dans les secondes ou minutes qui précèdent un, examen d’imagerie. Il y a en France un peu plus de 2 millions d’injection de P C I par an.

Les réactions sont de l’ordre de 1 500 à 2 000 par an soit +/- 1 pour mille injections. Ces réactions peuvent être dues aux caractères hyperosmolaires de certains produits (moins utilisés actuellement) Ces réactions sont les plus fréquentes mais souvent rapidement réversibles.

D’authentiques allergies existent et sont responsables des réactions les plus sévères : 6 à 12 décès par an en France. Dans ce cas , les tests cutanés sont spécifiquement positifs au produit de contraste utilisés. Les patients peuvent souvent réutiliser un autre P C I mais surtout , sans aucun danger consommer des crustacés, du poisson, ou utiliser des désinfectants iodés sans réaction.

Conclusion : Les réactions allergiques ou pseudo allergiques aux produits iodés, (P C I de radiologie, désinfectants iodés) ou aux produits alimentaires issus de la mer existent. Il faut les diagnostiquer et éviter spécifiquement la cause . En revanche l’iode n’est JAMAIS la cause de ces réactions. Il n’y a pas non plus de réaction croisée habituelle d’une catégorie de produit à l’autre. En revanche , des allergies croisées peuvent se voir au sein d’un même groupe ( poisson pour d’autres poissons, crustacés entre eux, P C I entre eux parfois …) Il ne faut donc plus parler d’allergie à l’iode.

Dr François WESSEL – Allergologue à NANTES – Membre expert de l’ARCAA

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