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Histoire d'allergies

L’aventure d’un acarien téméraire

publié le 13/10/2020 | par Michèle Pipart

ALLERGIQUE ? Histoires et nouvelles pour petits et grands.
L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.

« Bonjour, je me présente : je suis Dpt l’aventurier.

Je suis né il y a fort longtemps, près de 90 jours et j’ai atteint un âge considérable pour mon espèce.
Il faut vous dire que les humains ont dénombré plus de 50 000 espèces différentes d’acariens.
Je fais partie de la grande famille des arachnides qui se décomposent en 5 familles, puis en 18 genres différents et enfin 50 000 espèces. L’araignée est ma cousine.

Je suis maintenant un mâle adulte et mesure 285 µm, je suis dans la norme. Chez nous les femelles sont plus grandes et atteignent jusqu’à 400 µm pour les plus fortes. Notre espérance de vie se situe entre 2 et 3 mois (du calendrier humain bien sur) et nous mettons 30 jours pour devenir un adulte capable de se reproduire. Maman m’a donné 120 frères et sœurs tout au long de sa vie, papa je ne sais pas car je ne le connais pas, il a quitté maman, bien avant ma naissance.

Assez parlé de ces généralités, il faut que je vous raconte ma vie qui fut passionnante.

Ma famille appartient à la haute société des Dermatophagoides Pteronyssinus.
Je suis né dans la 2ème couche du matelas, tout en bas de la laine ( quartier de très haut luxe). Je ne vous parlerai pas de ceux nés dans la couche supérieure de coton, ceux-là ne pensent qu’à s’empiffrer toute leur vie, mais sont souvent attaqués par les humains qui sont nos pires prédateurs.

Je ne vous parlerai pas non plus des acariens de la toile de jute ou d’à proximité des ressorts du matelas, car ceux- là n’ont pas forcément grand – chose pour s’alimenter.

Nous nous nourrissons de débris de peau et il faut 1,5g de peau pour sustenter 1 million de mes congénères. Le paradis pour nous : température comprise entre 26 et 30° et 75% d’hygrométrie. Dans la couche du matelas de mon enfance, c’est le rêve, d’autant que notre garde manger se remplit toutes les nuits.

Ma réserve alimentaire s’appelle Paul, c’est un humain de 13 ans qui est super. Dans sa chambre, il y a de la moquette aux murs et par-terre car cette pièce est humide et ses parents ont « caché » les moisissures avec ce revêtement. Les moisissures font très bon ménage avec les acariens. Paul lui ne fait jamais le ménage dans sa chambre: les habits, cahiers, livres, peluches, matériel de jeux vidéos traînent sur le tapis… La chambre n’est jamais aérée car les volets sont OBLIGATOIREMENT fermés car sinon, ça fait des reflets sur l’écran et il ne peut plus jouer sur sa console vidéo qui reste allumée toute la journée augmentant considérablement la température ambiante de la pièce. Paul n’est pas non plus un maniaque de la salle de bains et une douche par semaine est amplement suffisante à son goût . Sa literie a été récupérée dans la chambre de ses parents quand il a eu le droit au « grand lit » : sommier tapissier, matelas à ressort, oreillers et couette en plumes.

Je vous l’ai bien dit : Le PARADIS jusqu’au jour où ma vie a basculé.

Pourtant tout avait bien commencé.
Paul avait invité des copains afin de passer un après-midi ensemble. Il pleuvait ce jour là et pas moyen pour toute la bande d’aller faire les idiots au jardin. Donc retour case départ : la chambre.Paul se mit à sauter sur le lit et bien sûr une bataille de polochon et d’oreillers agrémenta très vite l’après-midi. Les copains partirent dans la cuisine pour le goûter mais Paul n’avait pas faim, un peu mal à la tête, les yeux commencèrent à le piquer puis il se mit à tousser.
Il faut dire que de la poussière ils en avaient remuée ce jour-là. Un gramme de poussière peut contenir jusqu’à 2000 acariens et le seuil allergique est de 100 acariens au gramme. Ce sont surtout nos déjections qui provoquent de l’allergie chez les humains.

« Madame, Paul il ne se sent pas bien, il tousse et il siffle comme mon frère quand il fait sa crise d’asthme ».. Paul avait du mal à parler et sa maman l’a conduit au jardin où il disait se sentir mieux.

Le lendemain, visite chez le médecin qui a confirmé le diagnostic posé judicieusement par le copain de Paul : c’est de l’asthme.

Retour à la maison , où une période de restriction alimentaire a commencé pour nous les acariens. La chambre a retrouvé un ordre plus convenable à l’habitat d’un adolescent. La literie en plumes fut supprimée et remplacée par du synthétique (anti-acarien marqué sur l’étiquette!), la chambre ventilée et aérée.

Mais nous n’avions pas encore connu le pire, car Paul a eu un rendez-vous chez notre pire ennemi : l’allergologue. Paul est revenu de cette consultation avec pleins de signes étranges sur les
bras : l’allergologue lui a fait des tests et a confirmé que Paul était allergique aux acariens.

Là pour nous, les acariens, c’est ouvert une période de famine. Le matelas a été recouvert d’une housse anti-acariens, nous ne pouvions plus sortir nous alimenter, le vieux sommier tapissier a été remplacé par un sommier à lattes, l’oreiller recouvert également d’une housse anti acariens et passé à la machine à laver régulièrement ( à 90 °).. C’était l’ère de la grande famine.

Mais le pire a été pour les rares survivants le déménagement de la chambre : la moquette remplacée au sol par un revêtement lavable et aux murs : de la peinture. Nos conditions d’existence sont devenues très difficiles .

Un jour que je me promenais tristement au bord du matelas, je fus secoué dans tous les sens
car la maman de Paul retira la housse pour la laver.. Peut-être fallait-il saisir ma chance pour me sauver. Nounours :l’ours en peluche avait survécu et était le seul rescapé des montagnes de peluches de la chambre qui avaient été également ôtées, une omerta couvrait de son silence la destination des autres.

Nounours donc fut mon sauveur, voici dans quelles circonstances.
Paul avait laissé son pyjama traîner sur le lit et je pus m’agripper à une manche de la veste. La maman de Paul arriva dans la chambre et mis la veste de pyjama dans Nounours qui en fait était un range-pyjama expliquant ainsi le mystère de la mansuétude à son égard. Je sortis de la manche pour me réfugier dans la peluche.

« Paul tu es trop grand pour un nounours dans ta nouvelle chambre et tes copains vont se moquer de
toi ». Paul n’a pas voulu jeter Nounours à la poubelle car c’était le confident de ses chagrins d’enfant
Il alla l’installer : où cela? Mais sur mon vieux matelas au grenier dans lequel je finis ma longue existence d’acarien.

Un seul regret : je n’ai pas eu d’enfant car la famine s’est déclarée à la fin de mon adolescence. Je n’ai pas pu trouver de partenaire pour avoir des enfants et c’est pour cela que je suis devenu célibataire et vieux. Mais tous les petits acariens viennent me voir au grenier afin que je leur raconte mon histoire, celle de Dpt l’aventurier.

ALLERGIQUE ?
Histoires et nouvelles pour petits et grands.

Le printemps.
L’allergie est une maladie mondiale en forte expansion.
Cet ouvrage aborde l’allergie par le biais de petites histoires. Le vécu de l’allergique, ses difficultés au quotidien sont décryptés afin de mieux connaître et par conséquent de mieux combattre ce fléau : l’allergie. De nombreux conseils, astuces sont donnés pour identifier et éviter l’allergène responsable des symptômes présentés.

L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.
Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.

Michèle PIPART est médecin allergologue et exerce depuis 1989 l’allergologie dans son cabinet libéral. Elle est également diplômée en Sophrologie relaxation.

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