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Le niébé ou haricot à œil noir et ses sous-espèces, un allergène innovant plein d’avenir

publié le 10/01/2023 | par François Lavaud

Le niébé (Vigna unguiculata) ou dolique à œil noir, ou pois à vache, est au sens trivial un haricot, assez joli, blanc avec une petite tache noire, auquel on prête toutes les vertus depuis son entrée sur le marché européen. En effet c’est une source importante de protéines, de lysine, de tryptophane, de minéraux et de vitamines. On peut en consommer les feuilles, les gousses immatures, les grains immatures et les grains secs. Il sert à nourrir le bétail et on l’utilise comme engrais vert ou pour limiter l’érosion des sols. Il est très cultivé en Afrique en association avec le sorgho.  C’est la principale légumineuse alimentaire d’Afrique tropicale et le Nigéria en est le premier producteur mondial.

Le genre vigna appartient donc à la famille des fabacées et par sélection humaine en Asie (Chine, Inde et Asie du Sud-Est) sont apparus deux groupes de cultivars, le groupe sesquipedalis utilisé comme légume et le groupe biflora cultivé pour ses gousses et ses graines sèches mais aussi pour fourrage. Introduit en Amérique tropicale il est largement cultivé aux Etats-Unis, au Brésil et aux Caraïbes. Actuellement il existe un très grand nombre de variétés locales et de cultivars améliorés au sein du groupe unguiculata et différents cultivars de haricot-kilomètre et de dolique mongette ou dolique asperge sont proposés par les firmes semencières asiatiques, adaptés au mode d’utilisation et de consommation choisi.

Le projet EUROLEGUME reconnaissant ses propriétés alimentaires et ses facilités de culture et d’adaptation sous différents climats, notamment la sécheresse et le stress abiotique, le recommande comme ingrédient innovant devant être inclus dans différents programmes nutritionnels. C’est un légume à haute valeur ajoutée et adapté à une culture durable dans le cadre du changement climatique.

Et comme tout nouvel aliment surtout à connotation exotique on lui prête de nombreuses vertus médicinales. Il est « bon » pour le système cardiovasculaire, il soulage l’ostéoporose, il régularise le transit intestinal et limite le risque de cancers digestifs, apaise le système nerveux et réduit les complications du diabète. Enfin en cataplasme il contrôle l’inflammation créée par les morsures de fourmis, traite l’eczéma, les ulcérations et les panaris…

Pour l’allergologue cela reste un haricot et une légumineuse. On connait les allergies alimentaires dues au haricot mungo et l’augmentation de fréquence des allergies au pois. Le niébé n’échappe pas à ce risque comme l’ont montré dernièrement nos collègues luxembourgeois (1). Partant des observations princeps de Rao et al rapportant 6 cas d’allergies alimentaires au niébé chez 6 enfants indiens (2), ils ont montré qu’il existait une réactivité croisée entre niébé, arachide et pois. Dans le groupe allergie aux légumineuses sans allergie à l’arachide les tests cutanés au niébé étaient positifs 8 fois sur 14 et les IgEs 4 fois sur 13. Chez les 13 enfants allergiques aux légumineuses et à l’arachide les tests au niébé étaient positifs 9 fois sur 13 et les IgEs 10 fois sur 13. Les 4 allergènes majeurs du niébé étaient sans surprise des vicilines et une albumine.

Ce nouvel aliment à tendance végane et recommandé par la communauté européenne doit donc être surveillé par les allergologues, tout particulièrement chez les enfants allergiques aux légumineuses des genres vigna (haricot mungo, pois bambara) et phaesolus (haricot commun) mais aussi à la lentille et à l’arachide.

1-Chentouh M.M., et al. Allergenic risk assessment of cowpea and its cross-reactivity with pea and peanut. Pediatr Allergy Immunol 2022;33:e13889.https://doi.org/10.1111/pai.13889.

2-Rao T.R., et al. Isolation and characterization of allergens from the seeds of Vigna sinensis. Asian Pac J Allergy Immunol 2000 ;18 :9-14.

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