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Histoire d'allergies

Les abeilles ou l’apiculture de mon papy

publié le 09/06/2020 | par Michèle Pipart

ALLERGIQUE ? Histoires et nouvelles pour petits et grands.
L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.

Aujourd’hui papy m’a dit que j’étais assez grand pour m’emmener avec lui voir ses ruches.

L’année dernière j’étais trop petit et seul mon grand frère a eu le droit d’y aller mais papy a dit qu’il était  » un nul, bon à rien, incapable d’aider et que jamais il ne reviendrait aux ruches ». Des fois, mon grand-père il est sévère lorsque l’on ne fait pas comme il veut. Mais tant mieux car cela me permet d’aller voir les abeilles.

Chez nous, il y a plein de livres sur les abeilles et grand-père nous avait offert un livre  » les abeilles expliquées aux enfants » avec des dessins. J’adore le miel et surtout lorsqu’il faut croquer dans un rayon de miel avec la cire. Papy fait cela exprès pour nous ses petits-enfants, mais mon grand-frère n’aime pas cela. Il dit que le miel lui pique la bouche!. Ce n’est pas possible, du miel c’est tout doux, plein de sucre, de parfums. Mais il est comme ça mon grand-frère.

Papy m’a dit qu’il viendrait me chercher vers midi, car à cette heure là les abeilles sont parties butiner et elles sont moins nombreuses dans la ruche.

J’entends le bruit de sa vieille Acadiane (c’est une vieille, mais alors vieille guimbarde toute pourrie, peut-être encore plus vieille que mon institutrice) mais grand-père dit que c’est génial pour aller aux ruches et qu’il a tout son « barda » dedans. Le coffre sent une odeur bizarre, pas courante pas comme l’eau de toilette que se met mon grand-frère et tous ses copains, une odeur douceâtre qui mélange des fleurs, de la fumée, du miel et un autre truc que je ne sens que dans le coffre de la voiture de grand-père. J’ai le droit d’aller devant car il n’y a que 2 places et grand-père est copain avec le gendarme. Mais il me dit qu’il faut être très sage, il n’y a que 2 Km à faire en partant de chez lui et les 3/4 du chemin se font dans la forêt.

« Papy c’est encore loin? »  » Non », répond-t-il d’un ton bougon Je vois des ruches à la lisière du bois. J’aurais du être un peu patient.

Nous nous garons en bordure du chemin. Papy me tend alors un étrange costume : un chapeau avec une voilette qui a des manches longues sur la chemise, un « truc de Ouf ».

Maman m’avait fait mettre un jean épais, mes bottes en caoutchouc et encore une chemise à manches longues .J’étouffe avec tout cela.

« Et, toi papy, tu ne mets pas cette combinaison ».

« Non, moi je ne risque rien et une piqûre d’abeille n’a jamais tué personne »

Là je ne suis pas d’accord car dans mon livre il est écrit que les abeilles peuvent donner des allergies et que parfois on peut en mourir si l’on ne se fait pas soigner.

Papy m’a dit qu’il me confiait l’enfumoir « et tâche d’être plus dégourdi que ton âne de frère »

Puis il met des trucs dans le réservoir : des granulés , un peu d’herbe sèche et un peu de propolis.

C’est son mélange à lui. Un allumette, quelques coups de pompe et il m’indique comment le tenir.

Une fumée blanchâtre sort du bec. J’approche l’enfumoir de la planche d’envol : papy me dit que c’est pour avertir les abeilles de notre présence et leur dire bonjour. Quelques abeilles me tournent autour mais je ne risque rien avec toutes mes protections.

Papy soulève le toit de la ruche, me prend l’enfumoir des mains et enfume les cadres. Il tire sur un cadre, tout operculé, la récolte sera bonne.

« Tu sais on ne peut pas déranger la reine mais je vais regarder si il y a du couvain.  » Un autre cadre est tiré et là les alvéoles sont bombées pas du tout comme celles qui contiennent le miel.

« Bon, c’est bien, il n’y a pas de maladie et tout est en ordre, nous pourrons commencer à récolter demain.  »

« Dis papy, tu m’emmèneras? » « Bien sûr, tu fais un aide de première classe qui ne laisse pas s’éteindre l’enfumoir et qui ne marche pas sur mes outils comme ton frère. Une abeille s’était approchée de lui et il s’est mis à gesticuler dans tous les sens et à hurler , un vrai nigaud! »

Le lendemain le temps est à l’orage et papy me dit qu’il vaut mieux laisser les abeilles tranquilles. Je suis déçu mais nous irons un autre jour, je suis en vacances.

Enfin le jour tant attendu arrive.

L’enfumoir a du mal à s’allumer et la fumée n’est pas aussi opaque que la 1ère fois. Mais cela devrait aller quand même. J’approche ma tête un peu trop près sur la ruche et quelques abeilles tournent autour de moi. Je ne bouge pas et respire à pleins poumons l’odeur du miel, de la cire, de

la propolis et de l’enfumoir tout cela mélangé.

« Bien, reste calme » me dit papy. Évidemment, j’en profite pour essayer de regarder le plus loin possible dans la ruche. Papy retire un cadre de la hausse et le met dans la caisse préparée à coté de nous. Les abeilles sentent que nous venons piller leur garde-manger et commencent à s’énerver un peu. Aie, papy a une abeille sur la main qui l’a piquée. Je rapproche l’enfumoir et fait de la fumée.

« Bon réflexe  » me dit papy, « cela ne va pas empêcher les autres de me piquer mais cela va les calmer ». Je suis très fier. La caisse est pleine de cadres et nous retournons à la voiture. Cela a l’air très lourd mais mon papy il est costaud.

Je vois mon grand-frère qui arrive tout essoufflé sur son vélo, c’est vrai qu’il fonce à toute allure « Maman m’a dit qu’il fallait que je vienne voir si je pouvais vous être utile »

Une abeille s’approche de lui, il fait des grands moulinets avec ses bras pour essayer de la chasser.

« Mais tiens-toi tranquille » dit papy. Mon frère ne l’écoute pas et continuer de gesticuler dans tous les sens. Évidemment, il finit par se faire piquer sur la joue. Un hurlement ponctue cette action « Je me suis fait piquer, aie, aie ». « Ne bouge pas je vais t’enlever le dard qui est resté accroché ». Papy gratte l’aiguillon avec la lame de son couteau  » comme lorsque tu t’enlèves un hameçon planté dans le doigt à la pêche » me dit-il.

Mon frère ne bouge plus mais sa joue commence à enfler. « Ça me gratte comme si j’avais des fourmis, aux pieds et aux mains ». Bientôt l’on ne voit plus son œil car la paupière le cache.

Papy me dit d’aller chercher la trousse de secours qui est dans le voiture et qui contient des comprimés anti allergiques, des corticoïdes et une piqûre d’adrénaline. Il lui fait prendre un comprimé de chacun des médicaments. Cela ne semble pas aller très fort chez mon grand frère.

 » J’ai froid » sa voix est différente, comme assourdie.

Grand-père me dit de le couvrir avec la couverture de survie : une toute petite toile métallisée dorée. « Tu as ton téléphone sur toi? » « Bien sûr papy ». Il appelle le SAMU

« Je suis Mr L.P , j’ai auprès de moi mon petit-fils qui vient de se faire piquer par une abeille à la joue et présente un œdème du visage, un trouble de la parole. Il a des démangeaisons généralisées et une sensation de froid. Je lui ai donné un comprimé d’anti-histaminique et un autre de corticoïdes. Je suis à mon rucher au carrefour des Vaumoidons. qui donne sur la nationale. Il est couvert de sueurs et vient de perdre connaissance.  » Donne-moi le stylo d’adrénaline » Tiens prend le téléphone  » Papy dégage la cuisse de mon frère, applique le tube d’Adrénaline et appuie sur le bouton rouge. Il compte jusqu’à 10 avant de l’enlever, puis attrape les jambes de mon frère qui s’est effondré par terre et les relèvent à la verticale. J’ai toujours le téléphone dans la main mais je n’ai pas fait attention à ce que l’on me disait. Je repasse le téléphone à papy.  » Je viens de lui faire une injection d’Adrénaline »  » Une équipe de secours est déjà partie, Monsieur. Elle ne devrait pas tarder.  »

Le temps passe très mais alors très lentement. Mon frère reprend un peu de couleur mais son cœur bat très vite. Il tremble.  » Les secours vont arriver bientôt » . En effet, le véhicule du SAMU arrive et les messieurs mettent mon frère dans l’ambulance. Je vois à travers le vitre qu’ils lui prennent la tension et lui mettent un masque. La sirène retentit et à toute vitesse mon frère est embarqué. Papy est allé avec lui et je reste seul quelques instants en attendant que maman vienne me chercher.

Mon frère est resté toute la nuit à l’hôpital et le lendemain il a pu sortir.

Il doit prendre des comprimés encore quelques jours puis devra aller faire un bilan allergologique.

Pendant ce temps, j’étais chez Papy pour dévorer un bol de chocolat au lait avec une tartine de pain et de miel. Je l’ai bien mérité avec toutes ces émotions. Mais mon grand-père c’est un sacré secouriste presque aussi bon en secours qu’en apiculture.

ALLERGIQUE ?
Histoires et nouvelles pour petits et grands.

Le printemps.
L’allergie est une maladie mondiale en forte expansion.
Cet ouvrage aborde l’allergie par le biais de petites histoires. Le vécu de l’allergique, ses difficultés au quotidien sont décryptés afin de mieux connaître et par conséquent de mieux combattre ce fléau : l’allergie. De nombreux conseils, astuces sont donnés pour identifier et éviter l’allergène responsable des symptômes présentés.

L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.
Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.

Michèle PIPART est médecin allergologue et exerce depuis 1989 l’allergologie dans son cabinet libéral. Elle est également diplômée en Sophrologie relaxation.

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