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Les soins de beauté et de maquillage chez les allergiques : Peut on être « beau » et allergique ???

publié le 04/11/2016 | par arcaa

Allergies aux cosmétiques, aux parfums, aux tatouages au Henné…

Une étude anglaise a révélé que 23 % des femmes et 13,8 % des hommes ont déjà été victimes des effets indésirables de l’un ou l’autre de leurs produits de soins personnels au cours de l’année coulée. La plupart de ces réactions était sans doute due à une sensation subjective d’irritation, mais différentes études ont  montré que jusqu’à 10 % des patients consultant en dermatologie ont une allergie à des produits cosmétiques ou à leurs composants, prouvée par les tests épicutanés.

Les réactions allergiques aux cosmétiques paraissent cependant peu nombreuses en regard de la masse des cosmétiques vendus, probablement en raison d’une sous-déclaration de ces manifestations que dénonce le service de Cosmétovigilance de l’Afssaps. Le diagnostic d’allergie à un produit ou à un ingrédient cosmétique est souvent difficile en raison de la multiplicité des voies de sensibilisation, du polymorphisme des manifestations cliniques, du nombre toujours croissant des allergènes, des difficultés de la pratique des tests et de leur interprétation et, enfin, de la délicatesse du diagnostic différentiel avec une dermatite irritative.

 

Ecrit par le Dr Françoise Leprince.

 

Un cosmétique se définit comme « une substance ou préparation, autre que les médicaments, destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain ou avec les dents et muqueuses en vue de les nettoyer, de les protéger ou de les maintenir en bon état, d’en modifier  I’ aspect , de les parfumer ou d’en corriger l’odeur »

La classe des « cosmétiques »  inclut donc les produits de soin de la peau, de maquillage, d’hygiène personnelle, de soin des ongles et des cheveux, les parfums et les produits de rasage.

En dépit de l’utilisation massive des produits cosmétiques, la fréquence des réactions allergiques serait relativement basse. Différentes études aux États Inis et en Europe ont en effet trouvé une prévalence des allergies dues aux cosmétiques inférieure à 1 % dans la population générale. En réalité, la fréquence des réactions allergiques est très probablement plus élevée pour la plupart des personnes qui présentent une réaction modérée ne consulte pas et se contente d’arrêter d’utiliser le produit en cause.

Contrairement à une idée reçue répandue, la loi ne prévoit pas qu’un produit cosmétique doive rester à la surface de la peau et ne pas franchir la barrière cutanée. La définition du produit cosmétique précise qu’il doit être appliqué sur la peau ou les phanères, dans le but premier ou exclusif

Les maintenir en état, de corriger les odeurs, etc.  Jamais les textes législatifs n’ont énoncé que le produit devait rester sur la surface cutanée , il demeure toutefois que le tissu cible est la peau. C’est donc à ce niveau que doit être obtenu l’effet maximal et les molécules ne doivent pas avoir d’effet systémique.

La fréquence des allergies aux cosmétiques parmi les personnes qui viennent consulter pour une suspicion d’allergie est de 2 à 4 % selon les pays. Or, si l’on considère que te savon, la lotion, le produit de rasage, le lait  démaquillant, la crème hydratante, etc. sont des produits cosmétiques,  chaque homme et femme en utilise entre 5 à 20 quotidiennement. Au regard du nombre de produits vendus, on ne peut pas dire que l’allergie aux  cosmétiques soit très fréquente. Cependant elle existe, elle peut être grave, elle peut prendre des formes multiples et mieux vaut la connaître.

 

 

LES ALLERGENES DES COSMÉTIOUES

Les Fragrances

Le  mot fragrance désigne l’odeur du parfum. Les fragrances sont des amalgames : les substances végétales, animales et de synthèse dissoutes dans de l’alcool. Selon  pourcentage du concentré de substances qu’elle contient, une fragrance sera qualifiée de parfum, d’eau de parfum ou d’eau de Cologne.

Les réponses positives aux tests épicutanés au fragrance-mix sont fréquentes. Les études européennes récentes retrouvent des taux de sensibilisation à ces substances relativement constants sauf pour les parfums. Cette fréquence élevée peut être imputée à la très large diffusion des fragrances.

Un travail a été mené à Louvain en Belgique pour évaluer ces allergies de contact. Sur 10 128 patients explorés par des tests épicutanés, 1463 (14,8 %, dont 74 % de femmes étaient positifs pour au moins un marqueur de l’allergie aux fragrances des  batteries standards: 9 % des cas pour le fragrance-mix I, 6 % pour le baume du Pérou, 4,8 % pour la colophane (souvent en association), 2 % pour l’hydroxyisohexyl 3-cyclohexane caroxaldéhyde et 2 % pour le fragrance-mix Il.

 

Les Conservateurs

Les conservateurs se répartissent en 3 groupes, les biocides, les anti-oxydants et les absorbants des rayons ultraviolets. Les biocides peuvent eux-mêmes être subdivisés en formaldéhydes, libérateurs de, formaldéhyde et non formaldéhydes. Les plus fréquemment retrouvés dans les cosmétiques et les produits de toilette sont les parabens, imidazolidinylurée, quaternium-15, formaldéhyde et isothiazolinones. Ces produits constituent l’une des deux classes d’allergènes des cosmétiques les plus fréquemment en cause.

 

Le Formaldéhyde

Le formaldéhyde est un biocide bon marché et efficace, mais il est rarement employé dans les cosmétiques en raison de la fréquence des sensibilisations qu’il entraîne. Les taux de sensibilisation au formaldéhyde restent élevés en raison de sa présence ubiquitaire, notamment dans les produits de nettoyage, et de l’existence des biocides libérateurs de formaldéhyde.

 

Les libérateurs de formaldéhyde.

Cette classe de biocides inclut le 2-bromo-2-nitropropane-1,3-diol, le DMDM-hydantoïne, la diazolidinyl-urée et le quaternium-15. Les réactions allergiques peuvent être provoquées par le libérateur de formaldéhyde, par le formaldéhyde ou par les deux produits.

 

– Le Bromo-2-nitropropane-1,3-diol

Biocide est employé dans une grande variété de préparations cosmétiques et pharmaceutiques comme les shampoings, crèmes, lotions, démaquillants, mascaras, etc. Son emploi tend toutefois à décliner. Il  peut être allergénique par lui-même ou par la libération de formaldéhyde. Il est en outre fréquemment responsable de réactions d’irritation, même à très basses concentrations.

 

– DMDM hydantoïne

Le DMDM hydantoïne est présent dans de nombreux produits cosmétique est plus particulièrement dans les shampoings, produits de soins cutanés, produits de maquillage, après-shampoings et produits d’hygiène personnelle.

 

– La Diazolidinyl urée

Le NACDG a trouvé de 2,7 % à 3,7 % de réactions positives aux tests épicutanés pour la diazolidinyl urée.

 

– L’imidazolidinyl urée

L’imidazolidinyl urée est le deuxième conservateur le plus utilisé dans les cosmétiques après les parabens. Elle semble cependant être le moins sensibilisant des biocides libérateurs de formaldéhyde. Les taux de sensibilisation restent stables, autour de 1 % en Europe

 

– Le Quaternium-15

Le quaternium-15 est largement employé dans les cosmétiques et les produits de toilette et c’est le plus commun des allergènes du groupe des conservateurs employés dans les cosmétiques. Les taux de sensibilisation 1en Europe sont de l’ordre de 1 %, mais ils sont plus élevés aux États-Unis. 1 plupart des patients allergiques au quaternium-15 le sont également au formaldéhyde.

 

 

Conservateurs non formaldéhydes

 

– Parabens

Malgré leur très large utilisation, les parabens ne sont que rarement la cause de phénomènes allergiques. En plus maintenant, ils sont de moins en moins utilisés.

 

– Méthylchloroisothiazolinone-méthylisothiazolinone (MCI-MI)

Le MCI-MI est largement employé en cosmétique et il est notamment présent dans les produits rincés comme les gels douche et les produits non rincés comme les parfums. En raison de l’augmentation rapide des taux de sensibilisation à ce conservateur les concentrations en MCI-MI ont été limitées à 7,5 ppm dans les produits non rincés et 15 ppm dans les produits rincés. Les taux de sensibilisation en Europe restent cependant élevés et  en augmentation récente

 

– Méthyldibromoglutaronitrile-phénoxyéthanol (MDBGN-PE)

En raison de la progression rapide des cas d’allergie au MDBGN, son, utilisation a été bannie en Europe dans les produits non rincés d’abord, puis dans les produits rincés.

 

– Iodopropynyl butylcarbamate

Présent dans les shampoings, lotions, poudres, produits de maquillage et crèmes, c’est un irritant connu, mais il n’est que très rarement responsable d’allergies.

 

 

Anti-oxydants

Les anti-oxydants protègent les produits contre la dégradation des acides gras insaturés. Les plus fréquemment employés sont le butylhydroxyanisole, l’hydroxytoluène butylé, le butylhydroquinone tertiaire, les esters de gallate, l’acide hydrogualarétique, les vitamines E et C. Les esters de gallate sont fréquemment impliqués dans des manifestations allergiques. Présents dans les rouges à lèvres, ils sont souvent responsables de chéilites. La vitamine E est également fréquemment en cause dans des dermatites de contact.

 

Absorbants d’UV

Les absorbants d’UV sont notamment présents dans les écrans solaires où, peuvent être responsables d’allergies de contact et d’allergies de contact photosensibles.

 

Les Véhicules, émulsifiants et autres ingrédients de base

Les véhicules des préparations en application topique sont en principe inertes. s peuvent cependant être à l’origine de sensibilisations.

 

Glycérine et glycols

La glycérine est un humidifiant non irritant et rarement sensibilisant. En dépit  de ces qualités, elle est fréquemment remplacée par des glycols qui sont  meilleurs solvants. Le propylène glycol et le 1,3-butylène glycol sont fréquemment responsables de phénomènes irritatifs et allergiques.

 

La lanoline

La lanoline est un mélange d’acides gras estérifiés tirés de la laine de mouton. Elle est utilisée dans les cosmétiques comme émollient et émulsifiant. Lorsqu’elle entre dans la composition des agents thérapeutiques topiques, la lanoline est fréquemment sensibilisante. Elle paraît cependant plus sure lorsqu’elle entre dans la composition des cosmétiques.

 

La cocamidopropyl bétaïne

La cocamidopropyl bétaïne est un surfactant couramment employé dans les shampoings, savons liquides, produits de soin de la peau (hydratants et nettoyants), déodorants, gels douche et bains moussants. Les cas d’allergie sont fréquents et ont liés, notamment, à l’utilisation de shampoings ou de gels douche.

 

 

Autres allergènes cosmétiques

 

Propolis

Le propolis est une résine végétale, recueillie par les abeilles à partir de certains végétaux, qui entre dans la composition de lotions, produits de soins des lèvres et shampoings. Les taux de sensibilisation au propolis varient de 1,2 % à 6,2 %.

 

Colophane

La colophane est tirée de la résine de pin et entre dans la composition notamment des bâtons de rouge à lèvres et des produits de maquillage des yeux. Les sensibilisations ne sont pas fréquentes, mais des cas de dermatites péri-orales et des paupières ont été apportés.

 

Pigments

Les pigments sont utilisés pour colorer les produits cosmétiques. La fréquence des sensibilisations diminue avec l’amélioration de la pureté des pigments utilisés dans les cosmétiques, les rouges à lèvres notamment.

 

Paraphénylènediamine (PPD)

La paraphénylènediamine reste l’allergène majeur des produits de coloration. Utilisée  ans les colorants capillaires, elle entraîne des lésions du cuir chevelu souvent minimes (simple prurit après teinture). En revanche, les lésions palpébrales, parfois intenses, peuvent évoquer, à tort, un œdème de Quincke. Le henné utilisé pour réaliser des tatouages temporaires est souvent additionné de PPD qui entraîne fréquemment des eczémas de contact, voire une sensibilisation qui pourra s’exprimer plusieurs années plus tard à l’occasion d’une teinture capillaire.

 

Les résines

Résine de paratoluène sulfonamide est à l’origine de dermites de contact u niveau des ongles, mais peut également être manuportée et s’accompagner manifestations à distance : lèvres, paupières et cou.

 

Les nouveaux allergènes

L’Anaforcal (Association nationale de formation continue en allergologie) attire l’attention sur le shellac, une sécrétion résineuse d’un insecte, utilisée dans les mascaras et rouges à lèvres, qui peut être responsable d’eczémas des paupières et de chéilites. L’huile de soja (crèmes et rouges à lèvres) et les Hydrolisats de blé (crèmes et masques pour le visage) peuvent entraîner des urticaires de contact, voire des allergies alimentaires. Le ricinoléate de zinc (déodorants, rouges à lèvres), le panthénol (cicatrisants et produits capillaires) peuvent également  être mis  en cause.

 

 

MANIFESTATIONS DES ALLERGIES AUX COSMETIQUES

 

La dermatite irritative

La  dermatite irritative a été définie au comme « une réaction non immunologique due à l’application d’une substance irritante sur la peau ». Cliniquement, il n’y a pas de vésicules, l’aspect est souvent fissuré, l’éruption siège au niveau de l’application, jamais à distance, et n’est pas ou peu prurigineuse. Les produits les plus souvent cause sont les savons et shampoings (contenant des tensioactifs ou des molécules irritantes: cocamidopropyl bétaïne ou diméthylamino propylamine), les produits antivieillissement (alpha-hydroxy-acides) et autres vitamine A acides ou acides de fruits,  les déodorants, les lingettes démaquillantes ou nettoyantes (pour bébés) , les anti transpirants

 

Les réactions d’hypersensibilité retardée

Les réactions d’hypersensibilité retardée sont les plus fréquentes. Elles se manifestent souvent par un eczéma papulo-vésiculeux ou sec et fissuré. Ces manifestations peuvent toutefois être moins évocatrices et se réduire à un prurit sans lésion clinique, un érythème à peine visible. Elles peuvent également prendre la forme d’eczématide érythémateuse ou parfois acromiante, de pigmentation prurigineuse et extensive, de chéilite isolée ou accompagnée de dermite péri-orale, d’une dermatite palpébrale isolée, d’une dermatite séborrhéique atypique ou très étendue, d’un eczéma nummulaire plus ou moins disséminé sur le corps, d’une digito-pulpite, d’une dyshidrose des mains ou même d’une réaction unguéale. Plus rarement, elle peut se manifester par des réactions pseudolupiques ou pseudolymphomatoïdes ou par  des réactions de photosensibilisation.

 

Les réactions d’hypersensibilité immédiate

Les réactions d’hypersensibilité immédiate se manifestent sous la forme d’érythèmes plus ou moins prurigineux, d’urticaires immunologiques IgE médiés, d’urticaires non immunologiques ou urticaires de mécanisme indéterminé, de réactions anaphylactiques ou anaphylactoïdes peu évocatrices d’une allergie aux cosmétiques.

 

 

LE DIAGNOSTIC

– L’examen clinique doit chercher à différencier une réaction irritative d’une réaction allergique

– L’interrogatoire, minutieux, vise à préciser l’histoire et l’évolution des lésions. Il recherche les contacts directs ou par procuration avec un allergène éventuel via les cosmétiques, mais également les produits ménagers domestiques et professionnels et les médicaments.

L’allergie est confirmée par des tests:

  • épicutanés pratiqués avec les différentes batteries d’allergènes et les produits apportés par les patients,
  • ouverts en cas de suspicion d’allergie immédiate, complétés si nécessaire par des prick-tests,
  • semi-ouverts pour tester les produits irritants,
  • ouverts à application répétée (ROAT test: application sur la surface· antérieure de l’avant-bras, sur 4 cm2, pendant 10 jours, du produit suspect),
  • de réintroduction (application du produit dans les conditions habituelles d’utilisation).

De nombreux extraits sont disponibles et il faut se méfier en testant des produits non connus (risque irritant, voir caustique)

 

 

LA COSMETOVIGILANCE

L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a en  charge la sécurité des produits cosmétiques. La Cosméto Vigilance a pour objectif la surveillance des effets indésirables résultant de l’utilisation des produits cosmétiques mis sur le marché. L’officialisation du système est importante

Selon la loi, les professionnels de sante ont obligation de déclarer sans délai à l’Agence tout effet indésirable grave ou paraissant revêtir un caractère de gravité, qui découle d’une utilisation normale ou raisonnablement prévisible d’un produit cosmétique ou qui est secondaire à un mésusage.

Les industriels ont, de leur côté, obligation de déclarer tout signalement contraire à l’obligation de sécurité, comme des effets indésirables ou non conformités (contamination d’un produit, présence d’un débris de verre dans un ou plusieurs lots, etc). Ces incidents sont déclarés par les industriels à la Direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCCRF), qui transmet à l’AFSSAP les effets indésirables qu’ils n’ont pas compétence à évaluer.

 

Les  réactions allergiques représentent 66 % des déclarations, dont 4 % de réactions immédiates.

Les  dernières étaient des urticaires de contact :

– au persulfate d’ammonium (produit de décoloration capillaire) chez une coiffeuse,

– à un extrait d’avoine contenu dans une crème émolliente indiquée pour des peaux atopiques

– à un allergène non identifié contenu dans une poudre décolorante,

– enfin, un cas de rhino conjonctivite a été associé à un eczéma de contact au niveau des mains chez une coiffeuse.

 

Hélas, les déclarations ne sont pas assez nombreuses et il existe une réelle sous notification.

Pour déclarer : remplir la fiche de signalement de cosmétovigilance approuvée par la Commission de cosmétologie de l’Afssaps en 2004 (http://afssaps,sante,fr/pdf/3/eosmeto,pdf) !n l’adressant le plus tôt possible à l’Afssaps :`

– par fax au numéro suivant: 01-55-87-42-60

– par courrier postal, à l’adresse suivante :

Afssaps Département des produits cosmétiques

142/147 bd Anatole France

F-93285 Saint-Denis Cedex

 

Docteur Françoise LEPRINCE

Allergologue

Comité de rédaction de l’ ARCAA

 

source : http://www.afssaps.fr/Activites/Cosmetovigilanee

avec les publications des Docteurs Annick Pons-Guiraud, Christine Lafforgue, Valérie Renaud-Vincent

 

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