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Respirer un air pollué affecte les fonctions mentales

publié le 09/05/2022 | par Fabien Squinazi

L’exposition à la pollution atmosphérique est potentiellement l’un des facteurs du déclin cognitif. Une étude publiée le 10 mars dernier dans The Lancet Planetary Health relance l’importance de lutter contre la pollution atmosphérique.

Les auteurs de l’étude, des chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Rennes et de l’École des hautes études en santé publique ont recruté aléatoirement des participants à partir des listes de l’Assurance Maladie. Âgées de 45 ans ou plus, ces 104 733 personnes ont, dans un premier temps, « réalisé un bilan cognitif complet qui inclut des tests pour évaluer différents domaines », à savoir la mémoire, la fluidité d’expression orale (fluence verbale) et la capacité à prendre des décisions (fonctions exécutives).

Dans un deuxième temps, grâce à l’adresse de résidence des participants, les chercheurs ont estimé « les concentrationsmoyennes annuelles aux particules ayant un diamètre aérodynamique inférieur ou égal à 2,5 µm (PM2,5), au dioxyde d’azote (NO2) et au carbone suie ». « Ces trois polluants sont associés ou issus du trafic routier », précisent les auteurs. « Les évidences scientifiques dans tous les domaines de la santé montrent que ces polluants sont probablement les plus nocifs pour la santé ». Les PM2,5 sont un composant de premier ordre dans le mélange formant la pollution de l’air extérieur ; c’est celui qui est le plus analysé pour quantifier l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé.

Dans cette étude, les auteurs ont ainsi effectué « plusieurs analyses de sensibilité ». Chaque polluant a ainsi été testé dans son association à chaque score cognitif. Selon l’étude, non seulement l’exposition à de plus grandes concentrations de polluants serait associée significativement à un plus bas niveau de performances cognitives mais chaque polluant agirait différemment sur ces performances. « Les capacités les plus impactées sont la fluence verbale et les fonctions exécutives. Le dioxyde d’azote et les particules PM2,5 agissent davantage sur la fluence verbale, tandis que le carbone suie a un plus grand impact sur les fonctions exécutives ».

Pour les participants les plus exposés, les chercheurs ont constaté une différence allant de 1 à près de 5% du score des performances cognitives par rapport aux participants moins exposés. « Cinq pour cent à un niveau individuel, cela n’a pas un impact fort, expliquent les auteurs de l’étude. Mais ces résultats sont très importants au niveau de la population parce que tout le monde, ou presque, est exposé à un niveau de pollution atmosphérique plus élevé que ce qui est recommandé par l’OMS ».

Aujourd’hui, plus de 50 millions de personnes sont atteintes de démence dans le monde, et ce chiffre, et ce chiffre devrait tripler d’ici 2050, selon le rapport mondial Alzheimer 2019. En plus des facteurs de risque non modifiables, par exemple l’âge ou la génétique, il existe plusieurs facteurs appelés « modifiables » qui, s’ils étaient évités, pourraient prévenir ou retarder le déclin cognitif et les cas de démence.

Depuis quelques années, la pollution de l’air est ainsi reconnue comme un facteur de risque « modifiable » de la démence. Un autre rapport, publié le 7 mars dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences, a démontré que le QI de la moitié des Américains avait diminué suite à l’exposition à l’essence au plomb au XXe siècle. « La baisse de 2,6 points de QI chez plus de 170 millions d’Américains peut sembler négligeable, mais ces changements sont suffisants pour faire passer les personnes ayant des capacités cognitives inférieures à la moyenne (score de QI inférieur à 85) dans la catégorie de déficience intellectuelle (score de de QI inférieur à 70 ».

Les chercheurs se rejoignent sur un point : les réglementations sont indispensables pour aider à diminuer l’exposition aux polluants. En 2020, des chercheurs estimaient, dans la revue The Lancet, qu’en agissant par des changements dans la réglementation qui encadre les niveaux de pollution, près de 40% des cas de démence pourraient être évités, qu’ils tiennent au mode de vie ou à l’environnement.

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