Blog arcaa
Histoire d'allergies

Une histoire de chaussette

publié le 09/03/2021 | par Michèle Pipart

ALLERGIQUE ? Histoires et nouvelles pour petits et grands.
L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.

Bonjour, je m’appelle « pied droit » et je suis une superbe chaussette bleue ciel avec un pirate gentil sur mon coté extérieur. J’ai une sœur « pied gauche » mais elle se lève toujours le matin de mauvaise humeur. Si son fond est aussi bleu ciel, son pirate à l’air terrible, c’est un défaut de fabrication car un grand fil noir lui barre le visage.

Tout va pour le mieux chez nous et nous sommes attachées par le haut. Un crochet nous suspend toutes les 2 sur un portant et pour l’instant nous sommes tout au fond du rayon. J’ai vraiment hâte d’être devant, de voir les lumières, nous faire caresser par les clients.
Ça y est, c’est notre tour d’être en tête du portant. Que le magasin est grand. Serrée contre les autres chaussettes, je n’avais pas idée de tout cet espace. Ça y est, nous sommes enfin choisies. Une dame accompagnée d’un jeune garçon nous tient dans ses mains. Je me fais douce..Mais le garçon hurle après sa mère : « non regarde l’autre chaussette est moche, j’en veux pas! »
Décidément ma pauvre sœur…
Le problème c’est qu’à force d’être manipulée, je commence à perdre mon produit anti-froissage qui m’a été mis à ma naissance et je deviens de plus en plus chiffonnée et même une tache sur le bout. Nous finissons ma sœur et moi par être mises dans le bac des promotions.
Là plus question de lumière, mais de la poussière au fond du bac. J’en arriverai presque à éternuer. Vous vous rendez compte : une chaussette qui éternue cela ferait mauvais genre en cette période de Covid.
Enfin une maman nous prend et nous met dans son chariot. Je n’y croyais vraiment plus. Il se raconte que les textiles qui ne sont pas vendus finissent déchiquetés pour faire des chiffons. Moi, déchiquetée avec mon gentil pirate….

La maman déballe les courses et crie : « Martin, je t’ai pris des chaussettes avec des pirates, viens vite les chercher.  » Mon locataire arrive en courant, il a l’air espiègle mais très sympa.. J’aurais aimé me montrer dans mes plus beaux atours : sans tache. défroissée mais tous mes apprêts se sont enlevés au fil du temps.
« Maman regarde le pirate, il a un fil, tu peux l’enlever ». Sitôt dit, sitôt fait, l’affreux fil qui défigurait pied gauche est coupé. Ma sœur me ressemble enfin.

Nous sommes des chaussettes en coton et nous n’avons pas de désodorisants incrustés dans notre tissage comme certaines chaussettes « de la haute ». Martin a tendance à ne pas sentir bon des pieds quand les baskets sont utilisées tous les jours.
« Martin, je fais une lessive, tu me donneras tes nouvelles chaussettes à laver », « attention maman qu’elles ne soient pas décolorées » .
La lessive sent bon (parfum de Tahiti) c’est marqué sur la boite, car je sais lire les étiquettes des produits et surtout j’étais la 1ère à l’école au cours de cryptogramme (ces affreux dessins qui nous disent si la lessive est toxique ou pas). Passage au sèche -linge pas trop chaud , juste comme il faut. Je retrouve ma sœur à la sortie et hop, pliées ensemble et nous sommes placées dans le tiroir à chaussettes

Là il fait sombre, cela sent plus ou moins bon, il y a sûrement des chaussettes pas lavées.
Effectivement, plusieurs sont seules, elles ont perdu leur sœur. Certaines ont été séparées sur le fil à linge, emportées par le vent car la pince à linge était trop vieille et son dentier ne serrait plus, d’autres au sortir de la machine à laver où Tomy le petit chien de la maison – un fox terrier- s’empressait de la prendre pour l’enterrer dans le jardin. Quelle triste fin pour des chaussettes.
C’est vrai que notre locataire nous prend moins souvent et un jour j’ai fini par me trouver coincée au fond du lit, alors que ma sœur était tombée dans le coffre à jouets.

Grand remue-ménage, le lit est défait et me voilà prisonnière des draps. Pourtant sur le coton blanc, mon pirate il devrait se voir, mais non.
NON, pas cette lessive là, NON pas d’eau de javel. La machine est en marche, elle tourne brutalement, l’eau est beaucoup trop chaude pour moi, 90° C, moi je dois me baigner au maximum à 30°C. Je cuis, je me décolore par plaques, mon beau fond bleu devient bleu et blanc comme des nuages, mon pirate s’estompe.
Je suis mise à sécher dehors sur le fil à linge. C’est vrai qu’il fait très beau, le soleil brille et le vent souffle légèrement. Il y a plein de pollens et de graines qui volent partout. Cela me fait du bien après cette eau bouillante. Je ne m’en tire pas trop mal, je n’ai pas rétréci par contre je n’ai plus rien de mes belles couleurs d’origine.

Je suis jetée au fond du panier et je finis au fond du tiroir. Ma sœur est restée dans le coffre à jouets .
Les draps propres sont mis dans le lit de Martin et il passe sa nuit à éternuer. Pas étonnant, allergique aux pollens comme il est!. La quantité de pollens qui s’est incrustée dans son linge doit être faramineuse. Évidemment, sa maman l’emmène chez son médecin. Il fallait me le demander à moi, je sais quelle quantité de pollens s’est déposée sur le linge et que lors de la saison pollinique il faut impérativement faire sécher le linge au sèche-linge ou dans le grenier à l’abri des pollens.

La fin de l’année approche, je ne suis plus sortie une seule fois du tiroir à chaussettes. Mais au moment de Noël, Martin a besoin d’une « chaussette originale, dont il ne se sert plus » et il me trouve. Je finis accrochée sur un grand panneau , car à l’école la maîtresse a réalisé un calendrier de l’Avent avec plein de chaussettes. Nous sommes 25 sur le panneau décoré et chaque enfant retire un petit jouet ou un bonbon de sa chaussette, selon le jour du mois. Moi, je contiens un chocolat qui fait frémir les papilles de mon pirate.

Ce magnifique panneau est ressorti tous les ans et chaque année je me retrouve en pleine lumière.

Vivement l’eau de javel et les pollens car sans eux je n’aurais pas eu cette fin glorieuse pour une chaussette.

P.S. : ma sœur s’est retrouvée au pied d’un nounours (c’est Martin qui l’a dit à sa maîtresse!)

 

ALLERGIQUE ?
Histoires et nouvelles pour petits et grands.

Le printemps.
L’allergie est une maladie mondiale en forte expansion.
Cet ouvrage aborde l’allergie par le biais de petites histoires. Le vécu de l’allergique, ses difficultés au quotidien sont décryptés afin de mieux connaître et par conséquent de mieux combattre ce fléau : l’allergie. De nombreux conseils, astuces sont donnés pour identifier et éviter l’allergène responsable des symptômes présentés.

L’auteure nous emmène dans un monde allergique vivant, drôle, émouvant, à travers des scènes imaginaires ou de la vie quotidienne.
Ces courtes histoires sont rythmées par les saisons en commençant par le printemps.

Michèle PIPART est médecin allergologue et exerce depuis 1989 l’allergologie dans son cabinet libéral. Elle est également diplômée en Sophrologie relaxation.

Archives